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A leur rentrée des classes, ils creusent les minerais en RDC

Eux, ils ne vont pas à l’école. La proclamation par le gouvernement congolais de l’école primaire entièrement gratuite ne les attire guère. Les enfants qui travaillent dans les carrières minières de la RDC. Ils seraient environ 40.000 selon les estimations de l’Unicef qui datent de 2016.

Ces enfants, de 8 à 18 ans, parfois plus jeunes encore, travaillent dans les carrières minières de cuivre et de cobalt dans l’ancien Katanga. On les trouve aussi dans les mines de diamant à Mbuji-Mayi, plus au centre de la RDC. D’autres encore travaillent dans les mines d’or et de coltan les Sud et Nord-Kivu, plus à l’Est.

Toutefois, dans le Sud-Kivu, une initiative sort du lot. L’année scolaire 2018-2019, 129 enfants sortis des mines ont normalement clôturé une nouvelle année d’étude, après leur réintégration sociale. Une initiative du centre de récupération scolaire de Luhwinja de l’ONG APEF, active pour la promotion de la femme et de l’enfant.

L’organisation a ainsi permis à 57 filles et 72 garçons repris des mines artisanales autour de Mwenga, de retrouver une vie normale. L’ONG offre un enseignement gratuit, en plus d’une assistance matérielle et un suivi psychosocial. A ce jour, près de 70 bénéficiaires de ce programme poursuivent leur cursus scolaire au secondaire.

Des enfants dans les mines du Nord-Kivu, du Katanga et du Kasaï-Oriental

Difficile de connaître leur nombre exact, mais les enfants dans les sites miniers artisanaux d’or et de coltan sont nombreux dans les deux Kivu. Plus de 40% des personnes qui œuvrent dans les mines artisanales dans le Nord-Kivu sont des enfants, explique Janvier Murairi.  Il coordonne le Groupe d’appui à la traçabilité et la transparence dans la gestion des ressources naturelles (GATT-RN). Cette ONG basée à Goma travaille avec un réseau provincial de 14 organisations spécialisées dans la gestion des ressources naturelles.

D’après Janvier Murairi, le président de GATT-RN, les sites artisanaux « non validés », sont les seuls qui reçoivent encore plus d’enfants. Les autres, gérés par les sociétés dûment enregistrées, connaissent plutôt faiblement ce phénomène. Comme dans le Sud-Kivu, les conditions dans lesquelles les enfants travaillent sont rudes. Le paiement ne dépasse pas souvent les 2 dollars américains le jour.

« Les enfants y travaillent dans des conditions très difficiles, rapporte le journaliste Daniel Michombero, qui a effectué plusieurs descentes dans une carrière artisanale, dans le Nord-Kivu. Ils ont comme travail de creuser, polder, transporter les minerais sur des longues distances », ajoute-t-il.

Dans l’ancien Katanga, en outre, la situation a été plutôt alarmante jusqu’en 2016. D’après la BAD, il y aurait encore à ce jour 14.850 enfants dans ou autour des mines de cobalt dans la région. Les autorités de la province du Lualaba ont renforcé la surveillance autour des sites miniers artisanaux. Pareil à Kipushi, dans le Haut-Katanga, notamment, où l’on voit moins d’enfants depuis 2017.

Les causes profondes de la présence des enfants dans les mines

Pourtant, beaucoup d’enfants exclus des carrières minières artisanales y reviennent presque toujours. C’est à cause d’une grande pauvreté qui frappe plusieurs familles. Mais aussi un faible degré de mise en œuvre des mesures souvent annoncées avec pompe, estime l’ONG Afrewatch qui travaille sur l’extraction des ressources naturelles.

« Ces efforts ont été nuls. Car ils [les responsables des provinces concernées] n’ont pas encore attaqué les véritables causes de cette hémorragie sociale. Notamment la présence des mines dans ou à proximité des quartiers résidentiels. [En plus], le manque d’emploi ou d’occupations rémunérées pour les parents », explique à Habari RDC l’ONG Afrewatch. En 2016, elle avait publié avec Amensty International, le rapport « Voilà pourquoi on meurt », sur les enfants dans les mines et les créateurs artisanaux.

Afrewatch désigne aussi parmi les causes de la persistance des enfants dans les mines, l’école qui n’est pas encore véritablement gratuite au Congo. Mais aussi, ajoute-t-elle, « la corruption et les mauvaises conditions de travail des agents des services techniques de l’Etat appelés à appliquer les mesures prises. »

Aujourd’hui, il reste très difficile d’avoir un aperçu plus global sur le travail des enfants dans les mines au Congo. C’est à cause notamment de l’absence d’identifications plus exhaustives. Les données disponibles à ce jour, viennent des estimations des associations. Et c’est à ce titre que la BAD a consenti, le 23 avril 2019, un financement de 86 millions de dollars. Une partie de cet argent, dans l’ancien Katanga, devrait servir à identifier les enfants et de les intégrer ou réintégrer dans le circuit scolaire.

Maltraitance des enfants dans les mines artisanales

D’après les estimations des ONG, les Kasaï et l’ancien Katanga comptaient jusqu’en 2017, environ 20.000 enfants dans les mines de diamant et de cuivre et cobalt. Tous ne creusent, certes pas. Mais ils travaillent dans le lavage des minerais, vendent des aliments ou puisent de l’eau pour les creuseurs et d’autres acteurs de l’artisanat minier.

Dans le Sud-Kivu, par exemple, des filles mineures surnommées « twangaises », –puisqu’elles broient les pierres ou les lavent à la recherche de pépites d’or–, font l’objet des violences régulièrement. Parfois même elles subissent des viols, si d’aventure une d’elles est surprise avec des brins d’or lors des fouilles à la sortie des sites minets artisanaux. Des relations non consentantes, explique Mitima Delachance de Bukavu, ont alors parfois lieu, en guise de pardon pour le vol.

A l’entrée de la ville de Mbuji-Mayi dans le Kasaï-Oriental par ailleurs, dans une mine de diamant, les conditions pour ces enfants restent presque les mêmes. Cédric Mukanya, 10 ans, pieds nus, traîne sur son dos son petit sac de graviers. Il va les nettoyer, avec espoir d’en tirer son sésame du jour. Peut-être même la délivrance de toute son enfance. Malgré son jeune âge, il travaille pour son compte. « Je viens chaque fois me débrouiller dans cette mine. Car mes parents n’ont pas des possibilités. Je n’ai pas d’autres moyens pour vivre que de faire ça », explique le gamin.

à suivre, la seconde partie…

Enquête réalisée par

Daniel Michombero (Nord-Kivu),

Sido Ntumba (Mbuji-Mayi),

Junior Ngandu et Arsène Bikina (Lubumbashi, Kolwezi) ;

et coordonnée par Didier Makal.

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