Un militaire FARDC à Kibumba, Nord-Kivu Crédit photo https://commons.wikimedia.org
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Camp militaire Kokolo à Kinshasa : seuls les plus forts sont bien logés

Le camp Kokolo est l’une des plus grandes casernes de la ville de Kinshasa. Il abrite plus de 200 villas laissées par les colons belges et s’étalant sur deux communes : Bandal et Gombe. Ce qui m’attriste c’est lorsque les familles des militaires partis en mission sont parfois chassées du camp, et leurs habitations données à d’autres personnes, souvent aux plus forts.

Comment cela se passe-t-il ? Je vous raconte la triste histoire d’une femme délogée de force. Marie Ngoy c’est son nom, épouse d’un militaire en mission. 

Un lundi matin, je fais un tour sur l’avenue Lukusa au camp Kokolo. Devant une parcelle clôturées et peinte en blanc, je vois une femme avec 3 enfants : 2 filles et 1 garçon. Ils sont assis à même le sol, larmes aux yeux, avec leurs effets : matelas, téléviseur, ustensiles de cuisine et autres. 

À première vue, j’ai pensé qu’il s’agit d’une dispute de couple où la femme venait d’être répudiée. Je me suis approchée de cette femme pour savoir réellement de quoi il s’agissait. Elle m’explique qu’elle vient d’être sommée de déguerpir de sa maison du camp par un colonel. Pourtant, son mari est en mission de service à Goma. Elle raconte : « C’est un colonel qui m’a mise à la porte. Mon mari est à Goma. Cette maison m’appartient. Où irais-je avec mes enfants ? Je n’ai personne pour me défendre. C’est ma maison, je reste ici ! » 

Un désordre entretenu  

Cela fait 5 ans que je vis dans ce camp. Moi aussi, je suis fille de militaire. Les maisons construites par les colons belges n’appartiennent presque plus à l’Etat. Elles se vendent et s’achètent comme si on était à la cité. On ne tient plus compte des grades. Vous trouverez un subalterne dans une villa et un officier supérieur dans une maison en briques de sable. Tout est question de moyens et de rapport de force. 

 « Il n’y a pas longtemps, le commandant du camp venait de faire un contrôle des habitations. Mais il y a toujours des maisons de militaires habitées par des civils dans ce camp. Que ce colonel aille s’en prendre à ceux-là plutôt que de tourmenter la pauvre femme qui est dans ses droits », dit Sofia une veuve militaire que j’ai trouvée essayant de remonter le moral à la victime.

Les relations d’abord 

Pendant que la dame pleurait désespérément, ne sachant à quel saint se vouer, une parade se tenait en face du bureau du camp situé juste à 100 mètres de là. Et personne ne prête attention !  Je me suis rendue au bureau du camp pour avoir plus de précisions sur le dossier de cette pauvre dame. Après plusieurs rendez-vous, c’est finalement un lundi que le commandant du camp m’a confiée auprès d’un des chefs des quartiers du camp, le lieutenant Kamutu Luzau, chef du quartier Officier 3. Il me dit : « C’est vrai que le camp est pour les militaires. Le dossier de la dame est un peu compliqué. Les familles qui habitent le camp, dont le responsable est mort ou en mission, sont priées de quitter d’office le camp, parce que vous trouverez un militaire en manque de domicile au camp juste parce que tel ou tel autre est mort ou en mission. En réalité, ceux qui ont le droit d’habiter le camp ce sont ceux dont le parent ou conjoint militaire est encore vivant et en fonction à Kinshasa. » 

Le chef du quartier Kamutu ajoute : « Beaucoup d’actions sont mises en place pour mettre fin à cette spoliation au camp Kokolo. On fait le contrôle des maisons et le recensement des personnes vivant dans le camp. »

Tout est bien qui finit bien : le colonel a fini par libérer la maison de Marie Ngoy. La victime a été rétablie dans ses droits. J’ai compris que le Congo peut devenir un pays de droit si on le veut. 

Yvette Disthima

 

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