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Mouvements citoyens : ersatz politiques ?

Tellement à la mode, les organisations de la société civile (OSC) sont-elles une brise d’air frais sur une politique vermoulue ou un trompe-l’œil propice à une nouvelle conquête politicienne du pouvoir ?

« O.S.C. » : l’expression a tout d’une combinaison de lettres magiques à laquelle on attribue la neutralisation d’Abdoulaye Wade en 2012, la chute de Blaise Compaoré en 2014 ou le recul d’Ibrahim Boubakar Keïta en 2017. La République démocratique du Congo est loin d’être en marge du phénomène.

Se regrouper pour mieux affronter Kabila

Parmi les organisations pionnières, la Lucha a été créée dès 2012 pour dénoncer avant de proposer. Depuis, elle a fait des émules avec notamment le mouvement Filimbi qui connaît une visibilité croissante. Comme dans les autres pays africains où les régimes ont cédé face aux mouvements citoyens, la tendance en RDC, est au regroupement. De même que les différentes mouvances de l’opposition radicale s’étaient retrouvées dans la banlieue de Bruxelles, c’est à Paris la semaine dernière, que la société civile congolaise a organisé un consistoire qui regroupait aussi bien la Lucha et Filimbi que des organisations confessionnelles comme la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco). Un « manifeste du citoyen congolais » a été formalisé en vue d’une unité d’action.

Apolitique tout en demandant le départ de Kabila

Si les enjeux de ces organisations sont significatifs, on peut se demander en quoi leur vocation peut être qualifiée de « non politique », lorsqu’est clairement affiché l’objectif du départ de Joseph Kabila. Si l’on en croit Michel Luntumbue, chercheur au GRIP, ces jeunes mouvements sociaux doivent viser « l’avènement d’une nouvelle gouvernance, sans que les acteurs de ces groupes visent l’exercice du pouvoir politique ». Politique ou pas ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse du pouvoir, aurait dit le poète. Et puisque nul ne peut nier le succès des mouvements citoyens, il ne reste aux politiciens que trois options…

Première option : le suivisme. Un opposant en manque de visibilité pouvant tenter de surfer sur la vague en proposant une alliance circonstancielle.

Deuxième option : dénoncer les mouvements citoyens, le pouvoir navigant entre rhétorique complotiste et répression.

Troisième option : parasiter le système en créant ses propres organisations « apolitiques ». Côté pouvoir, on tente de diluer le mécontentement avec des mouvements fantoches, sorte de pare-feu destiné à donner l’impression qu’il existe dans cet univers citoyen, un équilibre comparable à celui du monde politique. Côté indépendants, on crée des structures destinées à se donner une visibilité inédite.

Il y a quelques jours, Sindika Dokolo, connu comme homme d’affaires et gendre du président angolais Eduardo Dos Santos, lançait « Les Congolais debout » un mouvement citoyen qui réclame l’alternance dans une neutralité officiellement absolue, en termes de chapelle politique ou d’origine.

Pas facile de distinguer politique et apolitique

Au final, la démarcation entre militantisme « apolitique » nourri de politique et de démarche politicienne n’est pas toujours claire. La mobilisation citoyenne apparaît, pour certains, comme une nouvelle stratégie de conquête du pouvoir. Qui est la marionnette de qui ? Qui navigue de où à où ? Si les politiciens tentent de conquérir une nouvelle virginité par la démarche dite « citoyenne », nombre de membres médiatisés de la société civile font le chemin inverse, élus après les alternances, quand ils ne sont pas nommés. Aujourd’hui, les organisations de la société civile ne sont que des écoles politiques que constituaient les syndicats étudiants à la fin du XXe siècle.

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