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Dans la nécropole de Kasangiri, des enterrements coupés des traditions africaines

Le cimetière de Kasangiri, j’en entendais simplement parler. Pour la toute première fois, j’y ai mis les pieds le 23 mai 2018. J’y suis allé pour compatir à la douleur d’une famille proche qui devait enterrer une de ses filles. Je connaissais bien la défunte et je ne pouvais manquer de la raccompagner à sa dernière demeure. Cette circonstance m’a permis de me rendre compte de la manière dont se déroulent les enterrements au cimetière de Kasangiri.

A Lubumbashi, la nécropole de Kasangiri est une marque de prestige et d’affirmation sociale. Elle est en vogue. Elle a volé la vedette aux autres cimetières de la ville. Kasangiri est une sépulture des privilégiés. Le simple fait d’y enterrer un mort dénote de la stature  sociale du défunt, de sa famille ou de ses proches.

Multitude de croix identiques, numérotées et bien rangées. L’ordre qui y règne tranche avec les autres cimetières de la ville. Comme les vivants, les morts sont répartis en quartiers de standing divers. A Kasangiri tout est atypique. J’avais déjà entendu des récits sur la singularité du lieu et ce jour, je le réalisais par moi-même. A notre arrivée, un groupe d’hommes, uniformément habillés en costumes noirs, chemises blanches et cravates noires assortis de lunettes noires, s’approchent de nous et se chargent de la dépouille. Ils sont commis à cette tâche. C’est comme ça qu’ils sont organisés. Ici, vous payez et l’administration du cimetière se charge de tout.

Dès que vous franchissez le portail, la dépouille vous est retirée, un peu comme si vous veniez la leur livrer. Dès lors vous n’avez plus qu’à suivre un protocole jusqu’à l’enterrement. C’est même un de ces hommes en costumes noirs, qui lira la biographie de la défunte, sous un hangar où on nous réunit avant la mise en terre. Fini les gestes d’épanchements courants dans les cimetières africains. A Kasangiri, le deuil est encadré.

Un enterrement intriguant

C’est la manière d’enterrer qui m’a le plus intrigué. Après les oraisons, l’heure est venue de mettre le corps dans la tombe. J’espérais m’approcher aussi, comme l’on a coutume de le faire, mais ce n’était pas possible avec tout ce protocole atypique et déconcertant. Chez nous, je ne connaissais qu’une manière d’enterrer les morts : celle de le faire dans la liberté, avec épanchement et non pas cette retenue qu’on nous impose à Kasangiri. La défunte qu’on enterre ce jour exerçait des fonctions de commandement dans une grande entreprise minière de la place. Elle est enterrée dans la classe d’honneur. Selon le protocole, seule une poignée de membres de la famille, triée sur le volet, a le droit de s’approcher plus près de la tombe. Nous autres, observons la scène à l’écart, limités derrière un fil qui sert de barrière. Voilà la poignée qui se retranche pour l’inhumation.

On n’enterre pas du tout comme au Congo

Même si le défunt qu’on venait enterrer n’était plus qu’une dépouille désormais condamnée à la pourriture et dont on était sur le point d’être définitivement débarrassé, j’ai essuyé un sentiment de dépossession, d’arrachement. Ce n’est pas comme ça que l’Africain enterre son semblable. On aime se masser à la tombe ; on veut voir la cohue de femmes éplorées qui feignent de se précipiter dans la tombe pour être enterrées avec la dépouille ; on doit verser un peu de poussière en signe d’adieu et voir nos dernières larmes s’échouer sur le cercueil.

Bien sûr, on aime aussi l’ordre mais pas un ordre qui vise à nous empêcher d’honorer nos morts dans une circonstance de douleur et d’effusion profonde comme le deuil.

 


Vous pouvez relire sur Habari RDC : Goma : les morts accompagnés aux cimetières en déshonneur !

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Les commentaires récents (4)

  1. On a qu’à créer des.cimetières selon les.pratiques propres à l’Africain; rien ne nous y empêche…

    1. SVP.votre photo n’est pas tirée à la Nécropole Rivière des Anges.Prière consulter notre site internet :www.rivieredesanges.com pour accéder à nos photos.Autre rectificatif,les familles sont libres de pleurer leurs proches décédés et accèdent au caveau à tour de rôle contrairement à ce que vous avez mentionné dans votre article.
      service de communication de la Nécropole.

  2. On demande à une poignée de la famille pour le mot d’adieu et les proches passe a tour de rôle avant la fermeture de la tombe.jamais on a empêché a quelque de pleurer son mort,mon fils y est enterré