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Vivre avec l’albinisme, un parcours du combattant

A Mbujimayi, quand on est albinos on doit serrer sa ceinture pour vivre. Rejet, discrimination, stigmatisation superstitions sont les difficultés que rencontrent au quotidien les personnes vivant avec l’albinisme. Celles qui manquent de courage pour affronter ces écueils se laissent emporter par la dépression et le désespoir ; tandis que les plus courageux s’en sortent tant bien que mal.

Alphonse Katokola est albinos et président de l’association Solidarité des albinos du Kasaï-Oriental. Il est l’un des albinos qui font face au mépris de la société. Grâce à sa résilience, il a pu construire sa vie malgré les obstacles et autres barrières sociales. Avec le blogueur Franck Mbambi, il revient sur le combat de sa vie.

Habari RDC : Alphonse Katokola, parlez-nous un peu de votre vie de personne vivant avec l’albinisme.

Alphonse Katokola : Je suis le fils aîné de ma famille. Je suis marié et père de quatre enfants. Ici à Mbujimayi, je suis un activiste des droits des albinos. J’œuvre dans plusieurs associations de défense et promotion des droits de l’Homme à Mbujimayi. Je suis détenteur d’un diplôme de graduat en sciences économiques et de gestion de l’Université de Mbujimayi.

Comment avez-vous été accueilli lors de votre naissance en tant qu’albinos ?

Mon père m’a raconté que j’étais le tout premier albinos à naître dans la famille. Cela a suscité un tollé général. Comme vous le savez, en pareilles circonstances dans nos coutumes, c’est à la femme qu’on s’en prend. Ainsi ma mère a dû faire face à une avalanche d’accusations, d’injures et de moqueries tant en famille que dans toute la communauté. Soutenue par mon père, la pauvre a pu survivre à cette dure épreuve. Mes parents n’avaient pas la même perception de la chose que la famille. Ils étaient tout de même stupéfaits par cette naissance inattendue.

Que s’est-il passé quand vous avez commencé à aller à l’école ?

À l’école, c’est un milieu où je butais contre beaucoup de difficultés. La plupart de mes condisciples me rejetaient. Certains me qualifiaient de revenant et ne voulaient pas m’approcher. Il arrivait parfois que je réagisse, tellement j’étais fatigué d’entendre des paroles méchantes à mon égard. Mais mon coup de colère n’était que de courte durée. En plus, avec ma faible vision, j’étais obligé de me rapprocher davantage du tableau pour bien voir et écrire les leçons. Sans cela, je pouvais me retrouver à la maison avec une pile de cahiers des amis pour recopier des cours. Quand j’étais dans l’incapacité de le faire seul, mon père m’aidait. Une fois mon diplôme du secondaire en poche, je suis allé à l’Université. Là également, les mêmes difficultés ont surgi, mais  sans entamer ma détermination et mon courage à atteindre mon objectif.

Qu’en est-il de votre vie professionnelle ?

L’insertion professionnelle n’a pas été facile non plus pour moi en tant que personne vivant avec l’albinisme. Je n’ai pas été accepté facilement partout. Je pouvais me retrouver à un concours d’embauche avec des personnes de peau normale, quand bien même mon dossier était plus solide que le leurs, à la fin c’est moi qu’on écartait parce qu’albinos. Je peux encore me rappeler centaines questions qu’on me posait au test d’embauche : « Vous, ici ? Vous cherchez aussi un emploi ? Qui vous a invité ? »

Le climat de la ville de Mbujimayi vous est-il favorable ?

Pas du tout ! En tant qu’albinos, notre plus grand ennemi ce sont les rayons solaires. Et vous savez que Mbujimayi est une ville où il fait excessivement chaud. Nous sommes vraiment exposés et c’est un danger pour nous. Pour atténuer les effets nocifs de la chaleur sur mon corps, je porte toujours des chemises avec des longues manches et je couvre ma tête d’un chapeau. Si je n’ai pas un chapeau, je dois me promener avec un parasol.

Avez vous accès à des produits appropriés pour entretenir votre peau ?

L’accès à ces produits coûte les yeux de la tête. Très peu de personnes vivant avec l’albinisme y accèdent. La raison, c’est que ces produits importés coûtent extrêmement chers et ne sont pas disponibles à tout moment dans notre milieu.

Vous vous êtes marié facilement ? Votre femme vous a-t-elle accepté facilement ?

Non. Ça n’a pas été facile d’être accepté comme époux par une fille de peau noire. Avant de tomber sur ma charmante Rose Biakenda, j’ai eu beau tendre la main à une dizaine de jeunes filles, elles m’ont toutes rejeté. Finalement Dieu m’a fait grâce d’avoir une compagne pour la vie.

Avez-vous un message pour des gens qui ont un autre regard vis-à-vis des albinos ?

Ce que je peux leur demander c’est de nous accepter, de nous accueillir. Nous sommes des êtres humains comme tous les autres. A part la peau qui est différente, nous avons la même couleur de sang, les mêmes aptitudes physiques et intellectuelles. Que le législateur congolais puisse élaborer aussi des lois spécifiques pour des personnes vivant avec l’albinisme en RDC.

 


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