Vendredi 31 janvier 2025, le centre d’art Waza de Lubumbashi a offert un cadre pour un talk organisé par l’artiste Godelieve Kasangati Kabena. Cette Congolaise de talent, partage son temps entre Kinshasa et Kumasi au Ghana, où elle poursuit ses études à l’Université des sciences et technologies Kwame Nkrumah.
Lors de son séjour à Lubumbashi, l’artiste a animé une série d’activités parmi lesquelles, un atelier d’échanges d’idées et d’expériences avec des jeunes artistes et étudiants de l’Institut supérieur des arts et métiers de Lubumbashi (Isam). Godelieve a fait le point non seulement de son workshop de l’Isam, mais aussi et surtout, des travaux de recherches qui l’avaient conduite au pays de Nkrumah. « Il s’agit d’une recherche spéculative et réfléchie sur l’engament des différents corps », a-t-elle expliqué. Un champ spéculatif, émancipatoire et d’analyse qui l’amène à développer la notion d’égalité axiomatique. « Cela veut dire une égalité qui n’a pas de point de départ, qui n’est pas dirigée vers une entité quelconque, une égalité horizontale », explique-t-elle.
Axes de la recherche
Pour Godelieve, ce sont quatre axes de recherches qu’elle a menées en parallèle depuis quatre ans. On peut citer en exemple : « Les archives et la notion du corps. » Ici, comme on peut l’imaginer, l’artiste cherche à trouver le lien entre les deux concepts : archives et corps. Par « corps » elle entend toute entité matérielle et immatérielle. Selon elle, « c’est une manière de (re)connaitre au corps sa capacité à pouvoir fonctionner comme un véritable outil de référence historique ». Le potentiel performatif du corps devenant alors un moyen pour questionner le statut politique des corps [Au sens large du terme, NDLR] et examiner leurs possibilités d’émancipation en dehors du corps humain.
C’est ainsi que quand, à travers des photos d’archives, Godelieve a fait la connaissance de ce qu’elle a appelé un « chien de race Basenji » en 2020, son travail a pris un tournant décisif. « C’est là que j’ai commencé à repenser les possibilités de reproduction des images », a-t-elle avoué. Un travail qui, comme on l’a vu en 2022, l’a conduite à fouiner dans la généalogie de l’animal afin de la situer à une époque bien précise de l’histoire de la République démocratique du Congo.
La position politique du corps : une longue histoire…
Lors de différentes discussions avec les personnes qu’elle rencontre, Kabena évoque le corps compris comme entité matérielle et/ou immatérielle. Dans une logique de respect de l’horizontalité de ses recherches face au positionnement du corps, elle questionne bon nombre de concepts : « Egalité », « collaboration » et « négociation »…
En contemplant son œuvre, on voit comment le corps au sens large du terme, est utilisé. Tenez, pour évoquer son rapport avec les traumatismes subis dans son enfance, elle qui a vu ses parents divorcer, Kabena produit l’Etrangère (2019). Il s’agit d’un portrait de femme au visage voilé (d’un sticker) et/ou masqué (cagoulé) ; femme seule, tantôt assise devant une porte ouverte d’une maison, tantôt autour d’une table.
En présentant un corps d’une femme à côté d’autres corps (porte de maison, table non dressée…) l’artiste veut explorer les émotions qu’elle ne pouvait pas librement exprimer avant. Dans Made 3 (2021), elle n’hésite pas à installer un lit bien fait (corps matériel, mais non humain), dans la rivière Wewe au Ghana. Le fait de poser un lit dans une rivière qui coule semble pour beaucoup, un acte fort en ce sens qu’elle pourrait montrer comment les mœurs se nettoient au fil des époques. Sa photo Mbwa (2024) où on la voit mimer un chien, pose la question de l’exposition d’une œuvre d’art. A juste titre, car ici, la queue en aluminium n’est pas accrochée sur un mur ou posée sur une table dans une salle. Elle est posée sur un corps, celui de Godelieve, devenant une sorte de présentoir pour l’œuvre d’art, cette queue en aluminium.
Ce sont donc des moments intenses d’échanges d’expériences entre artistes, que le public lushois a vécus. Et, c’est en cela que le centre d’art Waza a bien fait d’abriter ces échanges !