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Les bibliothèques en voie de disparition à Mbujimayi 

Ce n’est un secret pour personne : les Congolais fréquentent rarement les bibliothèques pour lire des livres. Ils n’en ont pas le temps, tellement ils sont pris par la cherté de la vie, la quête du pain quotidien, les discussions de rues sur la politique, le sport et d’autres distractions. Les écrivains congolais  s’en plaignent.

A Mbujimayi, bon nombre de bibliothèques ont fermé les unes après les autres ces dernières années faute de lecteurs. Les quelques rares bibliothèques qui existent sont universitaires et ne sont fréquentées que par des étudiants finalistes pour des recherche concernant leurs travaux de mémoire ou de fin de cycle. Il paraît que c’est la faute à Internet. Les recherches se font désormais beaucoup plus dans les cybercafés et sur les Smartphones.

Patrick, un étudiant, confirme cet argument : « Des livres intéressants sont de plus en plus disponibles sur Internet et dans chaque domaine, nous n’avons donc pas besoin d’aller les chercher dans une bibliothèque. En plus, sur Internet beaucoup de choses sont à jour, contrairement à certains livres que nous retrouvons dans les bibliothèques. Il faut numériser nos bibliothèques. »

Faute de lecture, les jeunes ne connaissent plus ce qu’est un roman papier, une revue, un prospectus… Même les manuels scientifiques sont étrangers à beaucoup d’entre eux et moisissent littéralement dans des rayons des bibliothèques. Les librairies sont également en train de disparaitre.

Les bibliothèques d’universités, les seules fréquentées

De passage à la bibliothèque centrale de l’Université officielle de Mbujimayi, je me retrouve face à trois étudiants venus consulter des ouvrages scientifiques. L’un d’entre eux que j’ai pu approcher est en troisième graduat en économie. Fabrice Kanku dit être venu parcourir les ouvrages qui cadrent avec la thématique de son travail de fin de cycle. A côté de lui se trouve Christèle Kabena, étudiante en deuxième licence en droit : elle prépare son  mémoire. Dans le souci de vérifier si les étudiants d’autres promotions fréquentent cette bibliothèque centrale, j’y suis revenu un autre jour pour ne trouver que ceux qui consultent les ouvrages scientifiques.

Je me suis renseigné auprès de la bibliothécaire Charlotte. « Nous recevons un peu moins d’une vingtaine d’étudiants en moyenne par jour qui viennent essentiellement consulter les ouvrages dans le cadre de leurs recherches de fin d’études, pourtant nous avons une bibliothèque riche en ouvrages de tous genres », explique-t-elle. Et d’ajouter : « Face à Internet qui a connu son essor à Mbujimayi, il y a une dizaine d’années, bon nombre d’étudiants se rendent dans des cybercafés pour mener leurs recherches. C’est cela qui tue nos bibliothèques. Une fois les études terminées, personne ne revient à la bibliothèque. Les uns quittent la province, les autres cherchent un emploi… »

Dire qu’Internet a pris la place des bibliothèques et des librairies, ce n’est pas toujours vrai non plus. Vincent travaille dans un cybercafé. Il préfère nuancer : « Beaucoup de jeunes viennent dans les cybercafés pour télécharger des films et des photos, pas toujours pour lire des livres ! »

Le métier d’écrivain menacé en RDC ?

Le faible niveau de lecture des Congolais influe négativement sur le travail des écrivains de la province du Kasaï-Oriental. Ils se demandent à quoi bon écrire des livres si la population ne les lit pas. J’ai approché l’écrivain José Mbaya Bapita, il se plaint du manque de culture de lecture et d’achat d’ouvrages par la quasi-totalité  de la population. Selon lui, ce désintéressement à la lecture est plus important à Mbujimayi que dans d’autres grandes villes du pays telles que Lubumbashi et Likasi où il avait embrassé la carrière d’écrivain en 1986.

Aujourd’hui, chef de division provinciale de l’économie au Kasaï-Oriental, José Mbaya continue à écrire des livres avec les moyens du bord. Sa dernière publication est un portrait d’Alphonse Ngoyi Kasanji, 31ème gouverneur du Kasaï-Oriental. Un ouvrage dont une trentaine d’exemplaires a été achetée par les membres du gouvernement provincial et quelques officiels. « L’objectif de mes publications c’est d’éduquer, d’orienter et d’informer la société ; cet objectif n’est pas atteint car la population ne s’adonne pas à la lecture et n’achète pas les livres », déplore José Mbaya. Cette situation constitue un manque à gagner pour les écrivains congolais. Ce qui met ainsi à mal leur carrière faute de moyens.

Une population qui ne s’adonne pas à la lecture reste sous informée et régresse sur tous les plans. D’où la nécessité de redresser la pente en incitant les élèves à la lecture à partir du primaire. J’estime pour ma part, qu’il est urgent que les autorités éducationnelles rendent obligatoire l’ouverture des bibliothèques scolaires dans chaque école et prévoient des séances de lectures assistées. C’est de cette manière que l’on peut espérer que les générations futures puissent reprendre le goût de la lecture.

 


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