Bureau de la chambre basse du parlement, lors d'une séance plénière, Kinshasa 2019, @Habari RDC
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Dissolution de l’Assemblée nationale : quel impact pour les Congolais ?

Les Congolais ont analysé les propos du président Félix Tshisekedi sur l’éventualité d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Une déclaration faite le dimanche 19 janvier, mais dont les implications, notamment économiques, suscitent qu’on les analyse avec du recul.

Tshisekedi voulait juste rassurer, à Londres, un échantillon de la diaspora qui redoute une nouvelle impasse politique au pays du fait des blocages imputés à ses partenaires du FCC. Il accuse ces derniers de freiner astucieusement ses initiatives visant à améliorer le quotidien des Congolais. Le président a évoqué l’hypothèse de la dissolution de l’Assemblée nationale (Article 148 de la Constitution).

En pratique, cela devrait aider à démanteler l’avantage du camp Kabila qui continue à mener les débats grâce à sa très large majorité au sein de cet organe. C’est le Parlement qui vote les lois et contrôle les institutions. Tshisekedi est « captif » de son accord avec le FCC, au grand dam du peuple qui avait arraché, dans la rue et au prix du sacrifice, l’alternance historique du 24 janvier 2019.

Mais, depuis, l’hypothèse a dynamité la fragile alliance entre deux époux réciproquement méfiants. Excédés par la réaction de Jeannine Mabunda, présidente de la Chambre basse du Parlement, les proches du chef de l’Etat le poussent, désormais, à mettre sa menace à exécution. La « Base », cette foule sulfureuse de militants UDPS élargie depuis 2018 aux sympathisants des partis alliés (UNC, Unafec, UDAO,…) ne jure que par la dissolution de l’Assemblée nationale.

Enclencher cette procédure, et donc projeter de nouvelles élections, ne devrait pas être un jeu, puisque sur le terrain, plus rien ne devrait être pareil. Au bout d’une année d’exercice d’un pouvoir qui tergiverse, il serait inopportun de passer à cette action. Ou s’il y a opportunité, ça serait une occasion pour les deux camps (Cach-FCC) de perdre ces élections ou de revenir à égalité. Dans les deux cas, leur influence disparaitra et leurs leaders seront affaiblis.

Risques politiques

Faire peser une telle crise sur la tête des kabilistes remuerait le couteau dans la plaie d’une population qui a été opprimée sur les dernières années du régime passé, et permettrait de mettre à genoux le monstre sacré de Kingakati. Mais,Tshisekedi pourrait être désabusé par un troisième larron : l’opposition. En effet, dans un tel scénario, l’opinion donnerait encore plus de crédit à Fayulu, Bemba, Muzito ou Katumbi qui avaient demandé la fin de la coalition Cach-FCC et suggéré à Felix Tshisekedi d’organiser des élections anticipées.

Mais l’idée a été boudée, c’était à une époque où le mariage FCC-Cach promettait encore des délices. Qu’importe le vainqueur, tant que ce serait le verdict populaire !

Politiquement, chacun espère pouvoir tout gagner, mais en retour, le peuple pourrait tout perdre.

Risques pour la nation congolaise

Si tous les obstacles à la main du FCC sont surmontés par Tshisekedi, il faudrait alors financer ce scrutin de circonstance au moment où le pays fait face à l’insécurité dans l’Est, à une criminalité urbaine, etc. Un moment où les syndicats des médecins lancent successivement des mouvements de grève, les enseignants sous-payés réclament de meilleures conditions salariales… Preuve que le pays n’a pas d’argent. Où en trouvera-t-il pour organiser de nouvelles élections ? La mobilisation des fonds prendrait des mois.

À ce jour, plusieurs chantiers sont en arrêt ou peinent à avancer suite au manque de financement. Très actif sur le front diplomatique, l’actuel président pourrait s’assurer de l’appui extérieur (des partenaires). Mais là ce serait un rétropédalage qui pourrait servir d’argument de campagne à ses adversaires, puisque la RDC de Kabila venait d’organiser – souverainement – ses premières élections sans quémander le moindre sou à l’extérieur.

Tendre la main à l’extérieur devrait imposer au pays des compromis léonins avec des puissances occidentales, et au gré de celles-ci. Ici, Tshisekedi ne devrait pas oublier le slogan : « Ne jamais trahir le Congo » qui prime sur celui de son père : « Le peuple d’abord » quand il faut défendre les intérêts de la RDC face aux prédateurs étrangers camouflés en partenaires.

Ce n’est pas le coût des élections, c’est le poids socio-économique d’une telle démarche qu’il vaut mieux évaluer en amont, avant de se lancer dans un pari populiste d’un déboulonnage de la Kabilie. Ce qui pourrait entraîner le quinquennat Fatshi, alors qu’il existe l’alternative d’un apaisement en vue d’une sortie de crise élégante.

Il ne faudrait donc pas tomber dans des réjouissances précoces et démesurées à l’idée de la dissolution de l’Assemblée nationale. Car, nul ne sait à qui cela pourrait profiter. À l’initiateur ? À son rival ? À l’opportuniste ? Ou au peuple ?

 

 

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Les commentaires récents (1)

  1. À mon humble, cela pourrait profiter à l’initiateur. Car, il accuse ces autres là de freiner astucieusement ses initiatives visant à améliorer « le quotidien des Congolais ».

    Bel article d’analyse cher Kenaya.