Toute lutte a une fin. Il faut bien qu’il y en ait une, lorsqu’une lutte n’en finit pas. 38 ans durant, l’Union pour la démocratie et le progrès social, UDPS, en est arrivée à cette évidence. La question est, sans doute, comment on y parvient ?
Inutile de polémiquer ni de se le cacher : la réalité est que dans ce parti qui a symbolisé les luttes pour la démocratie au Congo durant les quatre dernières décennies, tout le monde s’est lassé. Lutter était devenu inutile. Plusieurs y avaient tout perdu : espoir, courage, des proches et des économies.
Bruno Tshibala, Bruno Mavungu, Lambert Mende… et bien d’illustres combattants de la démocratie pro-Tshisekedi l’ont récemment compris : rien ne reste comme avant. Qu’il fallait bien changer, changer de camp. On a beau les critiquer, les vilipender. Mais au final, qui n’aura pas fait comme eux ? Face à une opposition appauvrissante, changer de camp, n’est-ce pas congolaisement normal ? Qu’on se le dise !
Tshisekedi, une seconde mort
Un seul n’aurait peut-être pas renoncé, le père de cette lutte, Étienne Tshisekedi. Mort, heureusement comme l’icône qu’il est devenue de la démocratie, il a gardé la réputation d’intraitable, d’homme constant dans sa vision. On oubliera toutefois, pour pareil homme, que Laurent-Désiré Kabila, le tombeur de Mobutu, refusait de collaborer avec lui, puisque collabo de l’ancien régime.
Etienne devait vivre avec les bouleversements, ce qui se passe après lui dans son parti et dans son Congo qu’il voulait démocratique. Nous rêvons peut-être, nous réalisons peut-être sa vie. Mais, au moins avec ostentation, on ne l’aura pas vu courir à la « mangeoire », plier face à des « combines » avec le pouvoir jusqu’à hier, présenté comme non démocratique.
La course à la mangeoire, plutôt qu’à la victoire avec consécration, avec triomphe. Est-ce ainsi que devait s’achever une si longue lutte?
Fini le rêve, fini l’impérium
Fini l’impérium, fini le rêve d’une vie. C’est même la fin d’une époque, d’une vie. Un à un, les combattants de la liberté ont choisi de manger eux aussi, plutôt que de s’accrocher à des idées. Oui, de simples idées plutôt qu’un idéal. Puisque finalement au Congo, il n’y a pas qu’à Kabila qu’on pourrait reprocher de manquer d’idéal démocratique et de développement. A l’opposition où l’on crie fort aux dérapages, plusieurs ne sont pas plus voyants que les borgnes qu’ils critiquent.
Le plus dur serait de voir un Tshisekedi, fils, ramper, peut être même racoler, s’arranger avec Joseph Kabila pour être consacré président. A quel prix ? Impunité ? Continuité du « système », de la « la kabilie » tant décriée à l’UDPS ? Ouf ! On oubliera tout cela à la fois aussi : qu’il y a eu un jour un dialogue qui a duré des mois, que des militants sont morts fusillés pour avoir réclamé de changer de système.
Le plus surprenant c’est de remarquer que cela se produit pratiquement dans des conditions similaires à celles où le père avait pour réponse « non ».
Un deal, idylle ?
Un président finalement reconnu comme en deal avec le pire adversaire, sinon ennemi de son père, celui-là même à qui revient la responsabilité de la mort de nombreux militants de l’UDPS et de la société civile, on a simplement envie de soupirer : « Autre temps, autres mœurs ! » Autant en emporte le vent.
J’aurais aimé que tout cela fût simplement une fausse accusation. J’aurais aussi aimé que ce fût une simple euphorie d’un opposant élu président jusqu’à y perdre momentanément son latin. Enfin, je souhaite vraiment que le président proclamé par la Céni, parvienne à se libérer de l’ancien système qui avant même la prestation de serment attend la formation d’un gouvernement en tant que « partenaires ». Je souhaite seulement que ce deal, ce partenariat vais-je dire, ne finisse pas par faire d’un Félix Tshisekedi anti-kabilie, un porte-étendard de la « tshisekabilie ».
Mais puisqu’il faut voir le bon côté des choses, saluons tout de même le changement du pouvoir à la tête.