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Kampala : le dur quotidien des enfants du ghetto

Bobi Wine incarne l’espoir pour les jeunes des ghettos de Kampala. C’est bien mais ce n’est pas tout. Il faut arriver dans ce ghetto, vivre la triste réalité de ses habitants, pour comprendre pourquoi ce rappeur est si important pour eux. Connaissant les crimes dans les ghettos de Kinshasa d’où je viens, je suis pris de peur avant d’oser aller dans ceux de Kampala… Peut-être que la situation est la même. Je dois y arriver coûte que coûte !

 Après quelques jours à l’hôtel, je me suis mis en route. Je suis à quelques heures de Bukoto et de Kamwokya, le ghetto de Bobi Wine, ce chanteur devenu homme politique en Ouganda. Nous constituons une équipe de cinq blogueurs. Notre matériel dans nos sacs, nous sommes en route pour le territoire de Bobi Wine, l’homme du ghetto, devenu chanteur célèbre et désormais député. Nous sautons sur des « Boda Boda » (taxis-motos de Kampala). Kampala n’est pas comme Kinshasa, ici les ghettos et les villas se côtoient. Après seulement quelques minutes de route, nous sommes déjà dans le ghetto.

L’arrivée de l’équipe à Kamwokya, le ghetto de Boby Wine

Partis pour parler de Bobi Wine le député, nous rencontrons d’autres petits Bobi Wine : les enfants du ghetto. Nos yeux sont rivés sur une école construite totalement en bois. Elle tient à peine debout. Des centaines d’enfants y étudient.

Il est 10h30, c’est la recréation. Habillés en bleu et blanc comme en RDC, les enfants sautent, crient et rient dans la cour de l’école protégée par un mur de fil de fer. Certains sont pieds nus, d’autres ont des shorts troués, mais cela ne leur dit rien : le bonheur ne porte pas de chaussure ni de short. On ne peut se passer de remarquer le contraste qu’il y a entre la joie de vivre que dégagent ces enfants et la dure réalité de la vie que leur impose la société.

Nous voulons nous approcher d’eux, mais nous hésitons… Au final, ce sont eux qui viennent vers nous en souriant, comme s’ils nous connaissaient depuis longtemps.

La joie exprimée des enfants de l’école du ghetto à notre rencontre

A quelques mètres de là, il y a d’autres enfants. Ceux-là doivent déjà se prendre en charge à neuf ans seulement. C’est malheureusement la situation de Yosam, un jeune garçon plutôt réservé, et sa bande. Pieds nus, ils marchent dans l’eau infestée de microbes de la rivière qui sépare Kamwokya de Bukoto, les deux quartiers du ghetto de Wine. C’est là, dans leur bureau, qui est en fait l’eau sale de cette rivière, que l’on rencontre le petit et ses amis à la recherche de métaux à revendre.

Ils se déplacent dans la fameuse rivière, un sac à la main, leurs têtes baissées, à la quête de métaux. Ils ne remarquent même pas notre présence. D’emblée, l’un d’eux nous voit, il vient vers nous. L’autre repère un métal, il rapproche sa tête de l’eau, plonge sa main droite dans cette saleté de rivière et récupère le métal qu’il met dans le sac … Il leur faut faire ce mouvement plusieurs fois le long de la rivière pour atteindre au moins 1 kg de métal afin de pouvoir le revendre à moins d’un 1$. Ce n’est pas le t-shirt de Yoweri Museveni qu’il porte qui lui rendra la vie facile.

Surprenant ! Malgré leur misère, le petit Yosam et ses potes connaissent et pratiquent les valeurs démocratiques. Eh oui ! Nous étions surpris d’apprendre que depuis quelques mois, le petit Yosam avait été démocratiquement élu par ses pairs comme vice-président des enfants du ghetto de Bukoto. On peut comprendre par-là que, comme le bonheur, la démocratie aussi n’a ni fortune, ni âge ; une autre valeur que ces enfants du ghetto de Kampala nous apprennent.

Yosam et sa bande ne connaissent pas le chemin de l’école. Seule la rue leur apprend tout ce qu’ils savent. Heureusement pour eux, il existe Zex Bilangi Langi, la super star du coin. 22 ans à peine, ce jeune n’arrête pas de leur insuffler les règles de bonne conduite. La rue c’est leur école, Zex leur professeur. « Nous ne voulons pas quitter le ghetto, mais nous voulons faire du ghetto, un meilleur endroit où vivre », affirme-t-il.

Zex Bilangi Langi, la star montante du ghetto entouré des enfants qu’il adore

Attristés par leur quotidien, nous n’hésitons pas à glisser nos mains dans nos poches pour soutenir leur business de la rivière. C’est simplement 2000 shillings ougandais que nous remettons à Yosam ; le petit laisse échapper un petit sourire de son visage. C’était là son seul sourire pendant toute notre visite.

Juste avant notre départ, loin de nos regards, je remarque un autre enfant. Il a à peine trois ans ! Un bébé, je dirais. Habillé uniquement d’un t-shirt, ses fesses et ses autres parties intimes sont totalement nues et exposées aux infections. Il se tient juste sur le bord de la rivière à métaux. Son regard est bien fixé dedans, comme s’il y voyait son avenir. Il observe l’eau qui coule, en silence. Son silence m’a plus interpellé que les bruits de Bobi Wine à la télé et ceux d’autres hommes politiques. Car, même si ce bébé peut rêver de devenir député comme Bobi Wine, son avenir le plus proche ne lui montre rien de mieux que la rivière à métaux qu’il voit. Voilà un futur candidat de la bande « à métaux » de Yosam… Si la vie de Bobi Wine est une inspiration pour tous ces enfants, leur réalité reste cependant celle du ghetto, donc la misère !

Fils du ghetto, cet enfant nu de 3 ans observe son avenir dans la rivière. 

 



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