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La mendicité avec les morts, une pratique honteuse et dangereuse au Kasaï

À Mbujimayi, lorsqu’il y a un décès parmi les jeunes désœuvrés, ces derniers ont pris l’habitude de trimbaler dans la rue le corps mort porté dans une natte. Ils vont vers les bureaux d’achat de diamant pour demander de l’assistance en vue d’acheter un cercueil ou d’organiser les funérailles. Les porteurs du mort se relaient chaque fois qu’un groupe est fatigué. Cette manipulation des corps est contraire au respect dû aux morts. Elle est aussi très dangereuse à l’heure du coronavirus.

Respectons les morts, car c’est le destin commun et inéluctable de l’humanité, dit-on. Cet adage n’est plus observé ni par les citoyens ni par les autorités à Mbujimayi. Lorsqu’une personne arrive à décéder, déplacer son corps vers la morgue ou autre lieu se fait au mépris de sa dignité et des règles de protection en cette période de coronavirus.

À Mbujimayi, au quartier Kalala wa nkata, les creuseurs tentent d’arracher la charité des passants et des négociants de diamant en trainant dans tous les sens des dépouilles mortelles de leurs proches. Parfois, ils les exposent au soleil à longueur des journées. Le même spectacle est observé devant  les différents hôpitaux de Mbujimayi où les corps des défunts sont portés sans la moindre considération soit sur une moto, soit sur un vélo, ou tout simplement sur une sorte de brancard fabriqué à base de bambous et de sacs pour la circonstance.

La pauvreté fait partie du problème                       

Lors de mon passage dans un hôpital en territoire de Tshilenge, j’ai été choqué d’entendre un garçon de 16 ans, tout en larmes, s’adresser au cadavre de son père qui venait de mourir en ces termes : « Père ! Allège-moi la tâche pour que je t’amène chez nous (au village). Tu sais toi-même que la route est très longue, seul je ne saurais pas… » Lorsque je me suis renseigné sur le lieu où le corps devait être amené, on m’a laissé entendre que c’est à Bena Nshimba en territoire de Katanda. Une distance de plus ou moins 30 km que ce jeune garçon devait parcourir à pieds avec le corps de son père. Ç’aurait été plus facile s’il avait des moyens pour louer un véhicule.

L’Etat  démissionnaire face aux plus démunis ?         

Selon la législation congolaise, le devoir de secourir et d’assister les personnes indigentes ou vulnérables est à la charge des communes, des secteurs ou  des chefferies (articles 50 p.10 ; 73 p.11 de la loi organique n°08/016 du  07/10/2008 portant organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec les provinces). On constate malheureusement que plus de 10 ans après la promulgation de cette loi,  aucun service de l’Etat pour l’organisation des pompes funèbres, ni celui d’assistance des indigents n’ont pu voir le jour ni sur la ville, ni dans les autres entités territoriales.

Or, au vu de l’évolution du monde et des pandémies qui surviennent, il est inacceptable en ce 21ème siècle que le corps d’un être humain soit manipulé et traîné sur de longues distances à pieds et dans des conditions qui blessent la conscience et la dignité humaine. J’en appelle donc au sens de responsabilité des habitants et surtout des pouvoirs publics. Que l’Etat fasse respecter les morts, notamment en assumant véritablement son devoir providentiel vis-à-vis des familles pauvres.

 

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