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Merci d’être mort, Mzee !

En Afrique, dans différentes cultures, la mort du chef n’est jamais un deuil mais une fête. Pour ce 17e anniversaire de l’assassinat de Laurent Désiré Kabila, celui qui donna le nom de République démocratique du Congo à notre pays en remplacement du Zaïre nous vous proposons un poème. Son auteur Magloire Paluku, un des journalistes qui a accompagné la campagne de Mzee depuis Goma jusqu’à Kinshasa, l’a intitulé : « Merci d’être mort, Mzee ! ».  Il est tiré du recueil « 100 poèmes pour le Nord-Kivu/chants sans mélodies ».

Quand en octobre 1996 tu as été annoncé à l’est du Zaïre

Quand après les combats dans les bourgades de Kidoti, Baraka, Uvira, une voix parlant un kiswahili, un français et un anglais « fignolés » à la radio, a étonné !

« C’est moi !», avais-tu dit, et « tout le monde au pouvoir à Kinshasa me connait ».

Ha ! C’était donc toi le rebelle dont Che Guevara avait parlé quand il était nulle part !

C’était toi le récalcitrant de Moba, de Kalemie, de Hewa Bora, de Wimbi dira 

C’était l’unique refusé de la Conférence nationale souveraine, le seul rebelle fini et craint ?

C’était toi le socialiste, le communiste au drapeau rouge, le capitaliste du pouvoir de gauche ?

Merci d’être mort, Mzee !

Quand tu as nommé le premier gouverneur du Sud-Kivu ;

Quand après un conflit identitaire un plan de l’Occident a voulu tout chambarder ;

Plus de trois millions de réfugiés du drame partis de mille collines ont été dispersés ou retournés.

L’un de tes alter égo était un Mutetela impressionnant, partageant ton vedettariat de Congolais.

Ha ! Le Zaïre devenait Congo à ton passage même si encombré d’un humanisme de Sion. Positionnements disputés entre les compradors, mouvanciers, la diaspora, et les divers libérateurs ;

Ta masse s’est perdue dans le luxueux palais en briques, marbres, or et vases chinois du Maréchal ;

Tu as surnommé la résidence de ton frère-ennemi musée de la honte triomphant sur les rives de Kivu ;

Merci d’être mort, Mzee !

Tu nous disais de ne pas être peureux comme des poules et de croire en l’avenir même dans le doute ;

Tu nous disais que les pays riches devraient rebâtir nos infrastructures en échange de nos minerais ;

Tu nous disais que les trente meilleures banques du monde devraient ouvrir dans ton nouveau Congo ;

Tu nous disais qu’il faudra, avec des chemins de fer travailler le matin et revenir le soir à mille lieues de distance ;

Tu nous disais qu’il faut un peuple lavé et purifié de la corruption, de l’injustice, des castes au pays ;

Tu nous disais qu’il faut une agriculture mécanisée qui doit remplacer la houe traditionnelle ;

Tu nous disais qu’il faut des cantonniers bien rémunérés au kilomètre, pour soigner nos routes.

Tu nous disais qu’il faudra une armée et une police professionnelles du 1 dixième de la population.

Merci d’être mort, Mzee !

Quand tu es mort j’ai pensé à ton crayon doré qui écrivait tes idées sur des papiers papillons jaunes.

Quand tu es mort j’ai traduit en direct la voix de ton épouse, racontant ta vie en des termes uniques ;

Au pied de l’avion ramenant ton corps elle pleurait en parlant : « Qui a tué le chef ? Qui a tué mon mari ? Mon cher époux, pourquoi régner trois jours après plusieurs années de lutte dans la forêt ? Je dirai aux Congolais que tu t’es battu pour leur honneur et afin qu’ils vivent des richesses de leur pays… Vas, tu as accompli ta mission sur terre de prêcher le nationalisme… Je ne peux me battre contre Dieu et personne ne peut changer son destin… Vas en paix mon cher époux… ! »

Merci d’être mort, Mzee !

Le mardi 16 Janvier 2001 c’était ta mort mais c’est une naissance qui triomphe en moi à chaque souvenir. Ton petit bonhomme directeur, Ton ancien attaché de presse chargé du monitoring, Magloire Paluku


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