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Nicolas Mbiya : « La prison ne m’empêche pas de défendre la Constitution »

Arrêté à Mbujimayi avec ses compagnons en juillet dernier, le jeune militant de la Lucha, Nicolas Mbiya a été libéré il y a quelques jours. Dans une interview exclusive à Habari RDC, il explique les raisons de son arrestation et réitère son ferme engagement à défendre la Constitution et la bonne gouvernance.  

Habari RDC : Pouvez-vous nous expliquer les conditions de votre arrestation ?

Nicolas Mbiya : J’ai été enlevé chez-moi le 14 juillet et gardé aux bureaux de l’Agence nationale des renseignements (ANR) pendant près d’une semaine. J’ai ensuite été transféré au Parquet puis à la prison centrale de Mbujimayi. En tout, j’ai passé 76 jours en détention. Nous étions au nombre de trois. Ils nous ont interrogés sur l’implication présumée de la Lucha Mbujimayi dans une « affaire de détention illégale de cartes d’électeurs et de vol d’informations confidentielles de la Céni-Kasaï-Oriental ».

Ils nous ont ensuite transférés en prison, en dépit du rapport du juge d’instruction qui avait conclu qu’il n’y avait pas d’infraction de notre part et qu’il fallait nous libérer. Mais ils nous ont quand-même envoyés en prison.

Pouvez-vous confirmer que la Lucha n’est pas impliquée dans le trafic des cartes d’électeurs et d’informations confidentielles de la Céni ?

La Lucha était en train d’enquêter sur des cas de doublons, notamment des gens qui se sont fait inscrire plus d’une fois sur des listes électorales. Au terme de cette enquête, nous devions publier un communiqué pour alerter la population sur les conséquences que vont avoir ces doublons. Nous craignions qu’avec ces cas de doublons, notre province ne puisse perdre un certain nombre d’électeurs dont les noms allaient être radiés des listes électorales lors des élections. À notre grande surprise, l’Agence nationale de renseignements qui nous a infiltrés a érigé cette enquête de la Lucha en infraction et nous a arrêtés.

Je confirme ici que la Lucha n’est impliquée ni de loin ni de près dans le vol d’informations confidentielles de la Céni. On a parlé du trafic des cartes d’électeurs, la Lucha ne détient pas de cartes d’électeurs. C’est une affaire qui concerne un agent de la Céni bien connu mais qu’on essaie de nous imputer pour ternir l’image de la Lucha, parce qu’ils savent que la population est derrière nous.

Vous avez passé 76 jours en prison, dans quelles conditions ?

Vous connaissez les prisons congolaises : les conditions étaient celles que vous connaissez, c’est-à-dire difficiles et intenables. Imaginez quand vous devez passer six jours sans vous laver ; quand vous devez dormir entassés comme des sardines. Une cellule prévue pour accueillir 50 personnes en héberge 100 ou 150… Bref, les conditions étaient difficiles et inhumaines.

Pourquoi on vous arrête régulièrement ? Avez-vous un problème personnel avec les autorités à Mbujimayi ?

La Lucha n’a aucun problème personnel avec les autorités, mais les autorités semblent avoir un problème personnel contre la Lucha. La raison est simple : nous sommes engagés pour l’éveil citoyen. Nous demandons que le sommet soit redevable à la base. Nous réclamons le respect de la Constitution et le bien-être de la population. Malheureusement, notre lutte non violente est mal comprise par les autorités locales qui veulent à tout prix nous réduire au silence.

Concrètement, qu’est-ce que vous revendiquez ?

Le respect de la Constitution ! Nous sommes opposés au maintien du président Kabila au pouvoir au delà de son deuxième et dernier mandat constitutionnel. Au niveau provincial, nous demandons aux autorités de donner l’eau courante à la population. Mbujimayi n’a ni eau ni électricité. Nous avons initié des campagnes dénommées « Mbujimayi ville de l’eau », « Miba debout », « Sacim assume-toi »… Par ces actions, nous réclamons le redressement de notre province, la relance des activités de la société Miba aujourd’hui en faillite, et surtout nous ne sommes pas d’accord sur le fait que la société minière Sacim exploite le diamant sans payer les taxes ni les impôts dus à la province. C’est inacceptable !

Que pensez-vous de la non tenue probable des élections en 2017 ?

La Lucha a encouragé les politiciens à trouver un accord en 2016. Hélas, cet accord a été foulé aux pieds par le président Kabila. Aujourd’hui, nous nous approchons de la fin de l’année 2017 et la Céni nous dit que les élections sont impossibles cette année. Mais quant à nous, nous lui répondons ceci : si les élections ne peuvent pas se tenir en 2017, on devra les organiser en 2018 sans le président Kabila qui doit partir, car il ne nous donne pas de garantie de bonne foi. L’accord de la Cenco lui a donné une année pour organiser les élections, il ne veut pas le faire.

Que va faire la Lucha si les élections ne sont pas organisées en 2017 ?

Nous allons nous mobiliser pour dire à la population de se tenir debout pour exiger le respect de la Constitution. Nous avons été dirigés par le président Kabila pendant plus de 15 ans. Son bilan est plus que négatif : chômage, insécurité, corruption… Nous préparons une forte résistance pacifique pour la fin de l’année. Nous-mêmes, nous serons devant pour donner l’exemple. Nous allons organiser des manifestations pacifiques permanentes jusqu’au départ du président Kabila. Pour cela, nous savons que nous serons enlevés, torturés et remis en prison, mais nous le ferons.

J’ai été emprisonné plusieurs fois pour avoir défendu la Constitution. Je suis prêt à payer le même prix. La prison ne m’empêche pas de défendre la Constitution. Nous devons apprendre à respecter les textes.

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