À une période où la RDC se plonge dans un processus électoral qui mène à l’élection présidentielle en novembre prochain, la majorité actuelle s’appuie sur le combat médiatique pour vendre positivement son image et détruire celle de l’opposition. Pour réussir son coup, le pouvoir en place a pris en otage la RTNC (Radio Télévision Nationale congolaise). Au lieu d’être au service du citoyen ordinaire, elle sert à relayer les activités des institutions en place.
Pas de carte du parti, pas de télé !
L’un des exemples les plus criants s’est déroulé fin 2015. Là, l’équipe congolaise de foot Tout puissant Mazembe que dirige Moise Katumbi Chapwe, ancien gouverneur de la province du Katanga, joue la finale de la coupe d’Afrique des clubs champions contre l’USM Alger à Lubumbashi. Alors que l’attention des Congolais est focalisée ce jour-là sur le petit écran pour ne pas rater une miette de la finale, leurs espoirs ont été vite douchés… Anéantis même, par la télévision publique qui n’a pas voulu diffuser le duel au sommet.
La cause de cette censure : Moise Katumbi Chapwe, dirigeant de ce club de football qui n’est plus en odeur de sainteté avec la majorité présidentielle. Depuis novembre 2015, ce dernier a démissionné du parti politique « PPRD » – Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie – fondé par le président congolais Joseph Kabila. Il a simultanément démissionné de la tête de la province du Katanga et s’est rapproché de l’opposition politique congolaise. Résultat des courses : pas de diffusion du match de son équipe.
Quand les journalistes « caméléons » envahissent la presse
Pour continuer sa lutte médiatique, le pouvoir en place a trouvé également des alliés : les médias appartenant aux hommes politiques ou aux opérateurs économiques proches du pouvoir. Ces chaînes font défiler sur leurs plateaux des journalistes de leurs rédactions ou des invités pour diaboliser les hommes politiques, les mouvements citoyens ou les plateformes ayant un avis contraire à celui du gouvernement. Ces commandos d’un genre unique débordent dans leurs déclarations en diffamation contre les opposants ou les activistes citoyens. Même si ces journalistes devenus propagandistes violent les règles d’éthique et de déontologie, ils ne sont jamais sanctionnés par la commission de censure, habilitée à réguler les médias en RDC.
Chose contradictoire, ces journalistes, qui assument des positions pro-gouvernementales sur les antennes, ne les tiennent plus…sur les réseaux sociaux ! Sur les murs de leurs comptes officiels Facebook ou Twitter, ils placent des publications contraires à ce qu’ils affirment sur les canaux pour lesquelles ils travaillent.
Une résistance qui coûte cher
Ces caméléons journalistes suscitent plusieurs interrogations. Sont-ils responsables des propos qu’ils tiennent sur les plateaux de télévision ou reprennent-ils les textes dictés par les responsables de leurs médias respectifs ? Faut-il que ces journalistes crachent sur les règles de déontologie et d’éthique de peur de perdre leur job ?
C’est ce qu’a refusé de faire Maik. Ce roi du micro a préféré garder sa dignité. Il avait publié sur un réseau social une publication dans laquelle il fustigeait la tentative de glissement dont est soupçonné actuellement le chef de l’État congolais. Son responsable hiérarchique lui a demandé de supprimer son post sur Facebook et de le démentir à la télévision. Il a préféré opter pour la perte de son emploi en assumant ses positions.
Assis entre deux chaises
Les médias communautaires – appelés à rétablir l’équilibre quand les médias jouent la carte de leurs bailleurs de fonds respectifs -, se trouvent eux aussi confrontés à plusieurs défis. Non subventionnés par l’État ni les organismes de promotion de la liberté de la presse, les journalistes de ces médias s’accrochent au coupage (pratique prohibée dans la presse qui consiste à soutirer des biens matériels ou financiers d’une source d’information).
Ce coupage met, aujourd’hui, les médias dans une position instable et de faiblesse. Ils sont dans l’obligation de se rapprocher du pouvoir pour lui rendre des services et subvenir à leurs charges. Et dans le même temps, ils s’efforcent de ne pas priver la parole à l’opposition dans l’objectif de garder la marque de crédit qu’accorde la population à ces médias.