« J’ai fait un pari. L’Afrique finira par gagner… Maintenant les jeunes Africains sont entrés dans le monde ». Les mots de Bertrand Badie, professeur émérite à sciences po Paris. Propos optimistes qui lui ont valu applaudissements et questionnements dans la salle de conférence de l’Institut français à Lubumbashi. C’est notamment à cause de leur connotation un peu paternaliste.
L’universitaire français a donné le 26 septembre, sa conférence. Devant un parterre de l’intellectuels lushois (professeurs d’université, chercheurs, étudiants, etc.), le professeur Bertrand Badié a expliqué comment il perçoit le monde à travers le prisme des relations internationales.
Regarder le monde aujourd’hui avec les lunettes d’hier
Pour lui, « les princes du monde [les Occidentaux, NDLR] traitent les problèmes d’aujourd’hui avec les lunettes d’hier ». Autrement dit, ils ont un regard périmé sur le monde actuel. Ce qui a poussé les dominés d’hier à contester, des fois véhémentement, l’hégémonie de certaines superpuissances (les États-Unis particulièrement).
Ces superpuissances ont pourtant perdu leur leadership naturel sur les dominés. Les faibles d’hier tentent désormais de s’imposer par la force. Des guerres par-ci, des sanctions économiques par-là, l’objectif étant le même, selon lui : ne pas perdre le contrôle ou s’imposer coûte que coûte. Ces mesures coercitives ont cependant pour conséquence d’engendrer encore plus de violences dans le monde, déplore-t-il.
Pourtant les rapports des forces ont changé
On comprend par-là que les États-Unis, par exemple, ne sont plus les gendarmes du monde. On se rappelle, par exemple, que Joseph Kabila leur a résisté jusqu’au bout. Même s’ils ont réussi à le forcer à partir.
Au Congo, aussi surprenant que cela puisse paraître, nombre de nos compatriotes continuent à penser que notre salut proviendra de la communauté internationale. Il n’y a qu’à voir l’engouement que suscite la visite du président Tshisekedi en Belgique et au pays de l’oncle Sam. Nous devons vraiment nous prendre en charge, comme le disait feu Mzee Laurent Désiré Kabila.
Ainsi, selon Bertrand Badié, tous les ingrédients de l’apocalypse (la guerre, l’autoritarisme, la faim et le racisme), sont réunis pour faire imploser le monde. Heureusement, le professeur a rapidement ajouté aussi que cette apocalypse n’aura pas lieu. Tout simplement à cause de la mondialisation qui fait que désormais, les pays dépendent les uns des autres.
Inévitable interdépendance du monde
Oui, aujourd’hui le monde est devenu un village planétaire. Les frontières sont tombées et les gens sont devenus citoyens du monde. Grâce notamment à la mobilité et à nos interdépendances. Le cobalt, le coltan, le lithium congolais font vivre les grandes entreprises hi-tech américaines. L’uranium du Niger fait tourner les centrales nucléaires françaises. Une instabilité au Niger nuirait et à la France et au Niger par exemple.
Cela implique finalement que les pays ont besoin de réussir ensemble, tout comme c’est désormais facile pour plusieurs d’échouer ensemble. Mais agir dans ce sens, aujourd’hui, reste un défi.