L’immoralité sur les réseaux sociaux est devenue une vraie problématique au vu des conséquences qu’elle engendre au sein de la société. Pour y remédier, le CSAC (Conseil supérieur de l’audiovisuel), en tant qu’institution d’appui à la démocratie, a lancé une campagne dans les médias et les réseaux sociaux. Objectif : renforcer la cohésion sociale et orienter les utilisateurs des médias vers des valeurs qui favorisent cette cohésion.
Si l’initiative de cette institution est louable, elle a cependant révélé des lacunes dans l’approche et la sélection des participants.
Disparité entre les utilisateurs et l’audience ciblée
Avec une communauté de 253 000 utilisateurs sur X (anciennement Twitter) en RDC, la sélection d’un grand nombre d’influenceurs issus de cette plateforme, les seuls ayant fait large écho de celle-ci, semble disproportionnée comparée aux 6,4 millions d’utilisateurs actifs des réseaux sociaux dans le pays. Cette concentration exclut une grande partie d’acteurs indispensables, notamment ceux actifs sur YouTube et TikTok, deux plateformes majeures pour le contenu vidéo et les jeunes adultes. La représentativité des influenceurs sélectionnés est remise en question, surtout concernant leur capacité à fournir des informations démographiques détaillées sur leurs propres audiences et leur niveau d’engagement.
YouTube est une plateforme privilégiée par les journalistes et chroniqueurs, notamment par sa capacité à cibler la diaspora congolaise, ouvrant ainsi la voie à la monétisation des vidéos. C’est le fait qu’un créateur de contenus puisse gagner de l’argent par nombre de vues, qui incite beaucoup d’entre eux à produire des contenus polémiques pour maximiser les revenus, comme le montrent les interventions des musiciens comme Fally Ipupa et Innoss B qui se sont plaints de ces dérives.
TikTok, avec ses 4,4 millions d’utilisateurs en RDC, est particulièrement populaire parmi les 18-25 ans et les faux avis médicaux et sexuels, ainsi que les discours de haine prolifèrent. Pourtant, les principaux influenceurs sur cette plateforme n’ont pas été abordés par la campagne du CSAC.
Lacunes dans la visibilité et la communication
Un autre point de critique est la faible visibilité de la campagne sur les réseaux sociaux. En dehors de quelques articles en ligne et tweets, peu d’informations ont circulé concernant les travaux et résolutions de cette initiative. L’absence de visuels ou de hashtags transversaux a contribué à une couverture médiatique limitée, manquant de toucher un large public et d’engager efficacement les utilisateurs.
Les communicologues, juristes et journalistes impliqués par le CSAC, ont discuté des normes éthiques sans inclure les principaux acteurs de la sphère numérique. Les créateurs de contenus en ligne, malgré leur influence considérable, sont souvent écartés du cadre réglementaire en vigueur. Ignorés lors des États généraux de la communication de 2022 et absents de la nouvelle loi sur l’information de mars 2023, ils demeurent en marge des discussions officielles sur les enjeux de l’information à l’ère du numérique.
Pour une nouvelle citoyenneté numérique inclusive
Pour promouvoir une citoyenneté numérique responsable, il est impératif de mieux identifier et intégrer les influenceurs actifs sur diverses plateformes. Les plus grands influenceurs par plateforme (exception faite des politiciens, musiciens, artistes, pasteurs et personnalités publiques) incluent Bogoku sur TikTok avec 945 000 followers, Petit Man Wakuache sur Instagram avec 1,5 million de followers, et Elengi ya Congo TV sur YouTube avec 348 000 abonnés. Chacun de ces influenceurs a une audience significative et des taux d’engagement élevés, soulignant l’importance de leur inclusion dans les campagnes de sensibilisation axées sur l’éthique. En faisant signer une charte à des influenceurs dont la plupart sont partisans, tout en leur conférant un certificat de citoyenneté numérique, est un coup d’épée dans l’eau.
La lutte contre l’immoralité sur les réseaux sociaux en RDC doit adopter une approche plus inclusive et représentative, englobant toutes les plateformes majeures et intégrant les principaux créateurs de contenus pour plus d’efficacité.