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La distance et le temps, deux ennemis du mariage

Ceci est une histoire vraie. La seule chose que je change c’est simplement les noms des concernés. Je les appellerais Jason et Nathalie. Deux jeunes qui se sont mariés à Kinshasa.

Jason et Nathalie se sont aimés sans tenir compte de leur différence de tribus. Après deux ans de mariage, ils ont eu leur première enfant, une belle fillette qu’ils ont nommée « Divine ». Sans assez de moyens, ce jeune couple vivait heureux.

Mais Jason nourrissait l’ambition d’aller vivre en Europe avec sa femme. En 2018, il choisit d’y aller par l’immigration clandestine. Avec le peu d’argent qu’il avait, il a réussi à voyager par la route, jusqu’à Niamey au Niger.

De Kinshasa à Niamey

L’itinéraire pour y arriver est tout simplement incroyable. Je vous le retrace ici tel qu’il l’a raconté lui-même. Tout a commencé par sa traversée du fleuve jusqu’à Brazzaville ; de là, il passe au Gabon. Toujours par route, il se retrouve au Cameroun, puis au Nigeria. Enfin, notre Magellan est au Niger. On ne sait pas trop comment il réussit à passer les checkpoints des frontières de différents pays. Il faut un courage exceptionnel pour entreprendre un tel projet. Sa femme et son enfant sont restées à Kinshasa.

Prochaine étape : le Sahara

Arrivé à Niamey, le plus dur commence. Il doit poursuivre son voyage cette fois-ci par la route du désert. Il est déterminé. Il sait que le trajet est très dangereux et même mortel. Mais il réussit à survivre aux côtés d’autres migrants venant du Sénégal, de la Guinée, du Tchad, de la Côte d’Ivoire…

Je vous épargne de beaucoup de détails sur leur calvaire dans le Sahara, jusqu’à Sfax en Tunisie. Désormais, l’Europe est juste en face. Le dernier obstacle reste la Méditerranée. A bord d’une embarcation de passeurs, Jason réussit à survivre à la traversée de cette mer considérée comme le cimetière liquide des migrants. Comme dans un rêve, il se retrouve sur l’île italienne de Lampedusa, au prix d’énormes souffrances.

Onze mois se sont écoulés depuis son départ de Kinshasa, jusqu’à son arrivée à Lampedusa en Italie. Onze longs mois pendant lesquels il n’a pas donné de ses nouvelles à sa femme Nathalie restée à Kinshasa. Mais celle-ci continuait à garder confiance et à croire que Jason n’est pas mort sur la route de l’immigration. Elle priait pour lui nuit et jour.

Un coup de fil qui fait du bien

Sur la route de l’immigration, Jason a tout perdu, sauf le numéro de téléphone de sa femme. Il le gardait jalousement. Il s’en était fait même un tatouage sur la cuisse pour s’assurer de ne jamais le perdre. Et à Lampedusa, il a pu accéder à un téléphone. Vite, il appelle sa femme : « Allô ! Natha, tu es-là ? Je suis arrivé en Europe. » Waouh ! Nathalie n’en croit pas ses oreilles. Elle verse des larmes de joie, heureuse d’entendre la voix de l’homme qu’elle aime. Divine, leur fillette, va bien. Elle marche déjà à quatre pattes, mais ne parle pas encore. Son père a hâte d’entendre ses balbutiements.

Bref, le contact est renoué entre Jason et Nathalie. Encore une fois, je vous épargne de détails sur comment notre voyageur est parti de l’Italie jusqu’en Belgique, où il s’est définitivement installé. Il parle désormais régulièrement au téléphone avec son épouse. Mais il n’a pas encore trouvé un bon emploi et un logement digne pour la faire venir à Bruxelles. Il se bat, et les années passent. Les choses traînent en longueur. Hélas, jusqu’à ce que de mauvais conseillers ont commencé à murmurer à l’oreille de Nathalie.

« Tu perds ton temps ! »

Trois ans à Bruxelles et Jason continuait à abreuver sa femme de promesses. Au fil du temps, Nathalie a commencé à écouter des discours qui la font douter de la sincérité de son mari. « Tu es sérieuse ? Trois ans et tu l’attends toujours ! Tu perds ton temps ma sœur », lui disait régulièrement une de ses amies de l’université. Sa propre famille biologique abonde dans le même sens, en tenant le même discours. Sa mère lui dit : « Écoute Nathalie. Je connais la tribu de ton mari. Chez eux, la femme n’a pas d’importance. Sûrement que là en Europe, il s’est déjà trouvé une femme de sa tribu… »

Petit-à-petit, Nathalie finit par détourner son cœur de Jason, mais sans le lui dire ouvertement. Déjà, dans son quartier à Kinshasa, un autre homme ne cesse de rôder autour d’elle et de lui faire la cour. C’est un frère de son église. Petit-à-petit, jusqu’à ce que Nathalie a cédé. Tout cédé même. Conséquence : une grossesse !

De son côté, Jason constate que Nathalie ne l’appelle plus. Mais pour lui, la frustration de sa femme est tout-à-fait normale et compréhensible. Il n’ose jamais la soupçonner de quoi que ce soit. Tout ce qu’il désire c’est de la surprendre un jour avec une bonne nouvelle.

Quand la bonne nouvelle rencontre la mauvaise

Jason trouve enfin un bon emploi à Bruxelles, grâce à des amis de la diaspora congolaise. Il est désormais un peu mieux payé et mieux logé. Il décide de faire venir immédiatement sa femme. Curieusement, pendant presqu’une semaine, il ne réussit pas à avoir Nathalie au téléphone pour lui annoncer la bonne nouvelle. Il passe alors par sa sœur pour lui faire parvenir le message en personne.

Ce soir-là, Nathalie est à l’église. La sœur de son mari est allée l’attendre à la maison. Après le culte, elle revient à la maison et on lui communique le message de Jason. A la grande surprise de la porteuse du message, Nathalie se met à pleurer. Ah bon ! Mais, que se passe-t-il ? Tout le monde est étonné de voir que, face à une telle information, elle pleure au lieu de se réjouir. Émotion ? Euphorie ? Eh bien, non ! Rien de tout cela. La vérité est qu’elle sait qu’elle a trahi son vœu de mariage, et elle est déjà enceinte d’un autre homme.

« Un frère de l’église m’a trompée »

Nathalie finit par avouer sa bourde. « Un frère de notre église m’a séduite, j’ai couché plusieurs fois avec lui. Et j’en suis tombée enceinte. C’est parce que je pensais que Jason ne me portait plus dans son cœur », a-t-elle confessé. Et la mauvaise nouvelle n’a pas tardé à arriver à Bruxelles. Jason est abattu, bouleversé.

Il ne s’était jamais imaginé un tel scénario. Surtout pas de la part de sa Nathalie. Il a des insomnies. Il passe des jours sans appétit. Il aimait tellement son épouse.

« J’ai le cœur brisé. Nathalie m’a tué. Je me suis battu pour trouver un bon emploi et je m’apprêtais à la faire venir en Belgique pour qu’elle soit heureuse. Voilà de quelle manière elle remercie mes efforts… », regrette Jason. Et pour ne rien arranger à la situation, la fillette de Jason est décédée pendant une transfusion sanguine dans la famille de Nathalie. Elle souffrait de paludisme aigu qui avait entraîné une anémie.

Cette histoire est longue et pénible. Avec le temps, pour se consoler, Jason demande à sa famille de lui trouver une autre femme à Kinshasa. Ce qui a été vite fait. On lui a trouvé une fille qui venait de décrocher son diplôme à l’UPN. Elle a déjà rejoint Jason à Bruxelles. Ils ont déjà un bébé…

 

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