Depuis plusieurs années, le Sud-Kivu, cette belle province à la géographie envoûtante, est secoué par des conflits interethniques. Des milices pro-tribus et des manipulateurs de l’ombre alimentent les divisions. A mon avis, seul un amour sincère peut être une arme puissante contre la haine. À travers des mariages interethniques, des familles se rapprochent, des rancunes s’effacent, et des ponts se construisent là où il y avait des fossés.
Oui, vous avez bien compris : pas des mariages politiquement motivés et affichant un amour de façade, mais le bon vieux mariage entre deux êtres humains qui s’aiment et qui portent chacun un nom de famille venu d’une ethnie différente.
Quand l’amour défie la haine
Prenons l’exemple de Chibalonza, une jeune femme Shi de Bukavu. Elle est tombée amoureuse de Ndambayaje, un garçon Munyamulenge de hauts plateaux de Minembwe. Dans un contexte où leurs deux communautés se regardaient en chiens de faïence, leur union a fait l’effet d’un petit tremblement de terre. Les familles, d’abord hésitantes, ont dû se parler, se rencontrer, partager un repas (un verre de Mutobé, un vin local à base de bananes). Ces deux familles ont surtout appris à se regarder autrement qu’à travers les clichés ethniques.
Deux ans plus tard, Chibalonza et Ndambayaje sont devenus aujourd’hui les ambassadeurs involontaires de la paix dans leurs milieux. Leur mariage a déclenché une série de dialogues entre les deux familles, puis entre les voisins. Les disputes ont fait place aux négociations de dote ; les regards suspicieux aux invitations cordiales…
Le mariage, ce ciment insoupçonné !
Un mariage interethnique, ce n’est pas seulement deux individus d’ethnies différentes qui s’unissent, c’est aussi tout un village, toute une génération qui doit s’allier. Et c’est là que réside la force du mariage. Car, dans une région où les lignes de fracture sont dictées par des appartenances tribales, créer des ponts de bonnes relations entre les groupes ethniques peut briser la logique de « nous contre eux ».
Imaginez un mariage entre un Havu de Kalehe et une Tembo de Bunyakiri. Il y aura forcément un oncle grognon qui dira : « Euh ! Chez nous, on ne mange pas les haricots accompagnés de bananes ! » Mais après trois, quatre ou cinq mariages et que l’on compte quatre petits-fils métissés, le fameux oncle finira par « trinquer » à la santé du vivre-ensemble.
Une stratégie contre les manipulateurs
Qu’elles viennent de l’intérieur ou de l’extérieur, les forces obscures qui alimentent les conflits misent sur la peur, la méfiance et l’ignorance. Elles prospèrent là où les gens ne se parlent pas, ou encore là où chacun reste enfermé dans son identité comme dans une forteresse. Les mariages pluriethniques, eux, dynamitent ces murs.
Plus il y a de familles mêlées par le mariage, plus il sera difficile de dresser une ethnie contre une autre sans créer un malaise à la table familiale. Imaginez un chef de guerre tentant de mobiliser une communauté contre « une autre », alors que sa propre sœur a épousé un membre de cette « autre » communauté qu’il considère comme « ennemie ». N’est-ce pas drôle ?
Le mot de la fin : marions-nous !
Bien sûr, le mariage n’est pas une solution miracle. Il ne remplacera jamais la justice, l’éducation et le développement. Mais il peut jouer un rôle de catalyseur de la paix, ou encore d’étincelle d’humanité dans un paysage souvent défiguré par la violence.
Ainsi, au Sud-Kivu, et pourquoi pas ailleurs en RDC, si l’amour se profile à l’horizon, ne le refoulez pas simplement parce que l’homme ou la femme est de « l’autre ethnie ». Au contraire, célébrez-le avec faste. Organisez des mariages entre communautés ethniques avec autant de soin qu’un sommet régional. Faites-en des occasions de réconciliation, des alliances de cœur et d’espoir. Car parfois, la paix peut commencer par un simple « je t’aime » bien placé et un bon plat de sombé (feuille de manioc) avec du foufou, partagé entre deux belles-familles jadis opposées.
Et vous ? Vous vous mariez pour l’amour ou pour la paix ? Dites-le nous en commentaires.
*Ce contenu de sensibilisation est produit dans le cadre du ‘’Peace Project’’, un projet de paix mené dans l’est de la RDC, notamment dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, en partenariat avec l’ONG néerlandaise Mensen Met Een Missie (MMM). Ensemble, nous encourageons les communautés à adopter et à partager davantage de récits alternatifs et inclusifs, afin de promouvoir la paix sociale, le dialogue et le vivre-ensemble. Cette initiative s’oppose aux discours de haine, à la manipulation et à la violence, qui fragilisent le tissu social.