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Dix ans après : que reste-t-il des mouvements citoyens ?

Lucha (Lutte pour le Changement), Filimbi, ou encore Jeunesse en Marche… des groupes apparus au milieu de l’année 2014, alors qu’approchait la fin du second mandat de Joseph Kabila. À l’époque, une partie des communicateurs de la majorité au pouvoir lancait les débats sur l’opportunité de modifier la Constitution. Principal objectif : offrir un troisième mandat à Joseph Kabila.

Outre le mutisme du président sur la question, on assistait à la multiplication d’actions promouvant une modification de la Constitution dans le sens de faire le lit d’un troisième mandat. Voilà le contexte dans lequel sont apparus les mouvements citoyens en RDC. Un contexte d’instabilité politique et d’insatisfaction généralisée de la population face à la gouvernance. Au départ, ces mouvements se sont imposés comme des forces non partisanes, cherchant juste à promouvoir la démocratie, l’État de droit et la participation citoyenne.

Des exemples ouest-africains

Ailleurs sur le continent, des mouvements similaires ont servi de repère aux Congolais. C’est le cas de Y’en a Marre au Sénégal dont les actions de mobilisation ont étouffé la tentative du président Abdoulaye Wade de briguer un troisième mandat ; également le Balai Citoyen au Burkina Faso qui a fait bloc avec l’opposition pour contraindre le président Blaise Compaoré à ne pas s’éterniser au pouvoir.

Leur modèle de fonctionnement ne reposait au départ que sur une structure horizontale, sans leaders formels. Les mouvements citoyens étaient indépendants des partis politiques. Ils ont utilisé des méthodes non violentes, inspirées de l’activisme pour revendiquer l’alternance politique, ainsi que des élections transparentes.

En RDC, l’impact des mouvements citoyens a été significatif dans les centres urbains, notamment à l’Est du pays, où ils ont réussi à organisé des villes mortes, des sit-in et adressé des pétitions qui ont accentué la pression sur les autorités. Et ces dernières les ont toujours accusés de complicité avec l’opposition et une frange de la communauté internationale hostile au gouvernement.

Persécutés par les autorités, de nombreux membres de mouvements citoyens ont été emprisonnés, certains contraints à l’exil. Leurs actions sur les réseaux sociaux ont plusieurs fois poussé le gouvernement à censurer Internet.

L’alternance : le nouveau défi

Puis vint l’alternance. À la surprise générale, Joseph Kabila cède le pouvoir à Félix Tshisekedi, un allié de ces mouvements dont il a fréquenté de nombreux membres dans des ateliers et activités en lien avec l’engagement civique et la gouvernance. Une ascension inattendue qui créera une première scission entre les activistes reconnaissant la légitimité de Tshisekedi et ceux qui soutiennent son challenger Martin Fayulu, arrivé deuxième à la présidentielle de 2018, et  qui estimait que sa victoire lui a été volée.

Le départ de Joseph Kabila, la montée en puissance progressive de Félix Tshisekedi et la mise en place de fortes alliances politiques, ont brouillé les cartes. Les mouvements citoyens se sont ainsi retrouvés face à la question de leur pertinence et de leur stratégie dans une ère post-Kabila. Sans structure décisionnelle formelle, de nombreux activistes s’alignent derrière des partis politiques, certains finissent même par se lancer en politique.

Dans ce contexte, les mouvements citoyens ont tenté de se réapproprier d’autres questions de société et de gouvernance, comme la qualité des télécommunications et la cherté de la vie. Mais les rhétoriques anti-vaccins contre la maladie à virus Ebola ont accentué la méfiance de la population et fortement affaibli leur image.

Se réinventer…

Dix ans après leur création, les mouvements citoyens congolais continuent de jouer un rôle vital dans la promotion de la démocratie et l’État de droit. Cependant, leur avenir dépendra de leur capacité à s’adapter à un paysage politique en constante évolution. Leurs méthodes doivent évoluer, et ils doivent renforcer leurs capacités organisationnelles pour faire face à un environnement de plus en plus complexe, marqué par des enjeux économiques, sociaux et sécuritaires majeurs.

 

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