La Première ministre, Judith Suminwa, a récemment exhorté les enseignants du secteur public, en grève pour des revendications salariales, à faire preuve de patriotisme. Cette demande survient alors que les enseignants sont désormais rejoints par les médecins, qui eux aussi ont déclenché un mouvement de grève, à l’exception des provinces sous état de siège et pour les soins liés au Mpox.
La question qui se pose est : pourquoi ce patriotisme ne viendrait-il pas d’abord d’en haut, notamment de la classe dirigeante ? Le pays traverse une crise multisectorielle dont les dirigeants semblent minimiser l’ampleur. L’absence de compagnies aériennes nationales oblige les hauts responsables à voyager à bord de jets privés lors de déplacements internes. Dans un pays en difficulté, peut-on vraiment se permettre ce genre de luxe ?
Les ministres, députés et hauts fonctionnaires continuent de toucher des salaires astronomiques, bien au-dessus de ce que la majorité des citoyens peut espérer gagner. Selon l’ONG Odep, les dirigeants de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications du Congo (ARPTC) percevraient jusqu’à 340 000 dollars par mois et par dirigeant. Mais on appelle les enseignants à faire preuve de patriotisme.
La gratuité de l’enseignement en échec
La grève, lancée au début de l’année scolaire 2024-2025, souligne une nouvelle fois l’échec du programme de gratuité de l’enseignement initié par le président Félix Tshisekedi. Si cette initiative visait à alléger le fardeau financier des familles, elle s’est faite au détriment de la rémunération des enseignants, qui ne savent à nouer les deux bouts.
Ces derniers réclament non seulement une augmentation de salaires, mais aussi des conditions de travail décentes. L’État, de son côté, se montre incapable de répondre à leurs attentes, laissant planer un doute sur l’avenir de l’éducation dans le pays. Comment espérer un changement durable lorsque les éducateurs eux-mêmes sont plongés dans la précarité ?
Le véritable patriotisme devrait s’exprimer par un partage équitable de sacrifices. Avant de demander aux enseignants et aux médecins de faire preuve de patriotisme, ne serait-il pas plus juste que la classe dirigeante montre l’exemple en réduisant ses propres privilèges ?