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RDC : les écoles de plus en plus divisées sur l’idée de scolariser des filles enceintes

« Je trouve que c’est vraiment difficile d’accepter une fille enceinte à l’école avec les conditions de la grossesse. Je ne pense pas qu’elle puisse être dans les meilleures dispositions pour apprendre », confie Marcel Kalumba, préfet d’un établissement scolaire de Lubumbashi. Ce témoignage intervient après la rentrée scolaire 2025-2026, alors que la circulaire du ministère de l’Éducation nationale, publiée en juillet 2025, continue de diviser.

Signée par Alexis Yoka, secrétaire général au ministère de l’Education, cette circulaire interdit toute exclusion ou sanction administrative à l’encontre des élèves enceintes. Objectif : garantir une éducation inclusive et réduire les abandons scolaires liés aux grossesses de jeunes filles. Mais cette décision, loin de faire l’unanimité, attise les débats au sein de la société congolaise.

Santé et conditions d’apprentissage : l’avis des médecins

Pour les professionnels de santé, les contraintes liées à la grossesse compliquent la scolarité. La gynécologue-obstétricienne, Dr Micrette Ngalula, estime que les réalités physiologiques rendent difficile l’intégration des filles enceintes en classe. « La grossesse entraîne nausées, vomissements, palpitations, fatigue… Imaginez une élève qui interrompt un examen pour aller vomir ou qui somnole en plein cours. Les conditions ne seront pas comparables à celles de ses camarades », explique-t-elle.

Les critiques sur la procédure

Marcel Malumba, responsable d’un autre établissement scolaire à Lubumbahsi, remet en cause le fait que la décision d’accepter les filles enceintes à l’école n’ait pour seule base légale qu’une simple circulaire. Selon lui, la mesure contenue dans la dite circulaire a brûlé les étapes. Il explique : « Au Congo, il existe un Parlement et un exécutif. Une telle mesure devait passer par le Parlement pour être validée, avant d’être imposée à la société. Mais quand ça vient directement de l’exécutif, ça pose problème. »

Marcel Malumba insiste également sur les contraintes pratiques. « Les travailleuses enceintes ont droit à plusieurs mois de congé. À l’école, où l’année ne dure que dix mois, comment accorder un tel repos sans compromettre la formation ? », interroge-t-il.

L’Église catholique monte au créneau

La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a annoncé son refus d’appliquer la circulaire. Dans une correspondance, l’abbé Emmanuel Bashiki, coordonnateur des écoles conventionnées catholiques, a rappelé que « la moralité et la discipline doivent primer ». Selon monsieur Bashiki, les écoles conventionnées catholiques sont invitées à transférer les élèves enceintes vers d’autres établissements prêts à les accueillir.

Une position soutenue par certains défenseurs des droits de l’enfant, qui invoquent la protection des élèves non concernées. La gynécologue Dr Micrette Ngalula  ajoute : « Cela risque de perturber les enfants issus de familles qui valorisent certaines normes. Ces jeunes filles enceintes pourraient devenir des exemples négatifs pour leurs camarades. »

Face à la controverse, le ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, plaide pour une éducation sans tabou. Pour lui, « exclure une fille enceinte, c’est lui infliger une double peine. Doit-on l’écarter du système éducatif, en plus de tous les préjugés qu’elle subit déjà ? », s’interroge-t-il. Le ministre estime nécessaire de maintenir les filles enceintes à l’école pour, selon lui, limiter les abandons scolaires et lutter contre les inégalités de genre.

Si dans les écoles publiques la circulaire ne pose pas problème jusque-là, les établissements privés et confessionnels restent majoritairement réticents. Nombre de parents interrogés se disent également opposés à cette mesure. Pourtant, malgré ces résistances, aucun cas concret de refus d’inscription d’une élève enceinte n’a été signalé depuis la rentrée. Un dossier brûlant à suivre de près.

 

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