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Nord-Kivu : retour forcé des déplacés et spoliation de leurs terres

La guerre dans l’est de la RDC prend une autre dimension. Nous avons rencontré des familles de déplacés qui nous ont affirmé avoir été forcées de retourner dans leurs villages d’origine par les rebelles du M23-AFC. Plus grave, certains déplacés témoignent que dans leurs villages, leurs habitations sont occupées par des inconnus.

Forcées de retourner dans leur territoire d’origine, notamment le territoire de Nyiragongo, des familles de déplacés congolais ayant fui les violences ont trouvé leurs habitations occupées par des personnes n’étant pas de ce milieu.

Voici à ce sujet, le témoignage de madame Kahambu Nyabikiro (nom d’emprunt), une Congolaise du territoire de Nyiragongo : « Après deux ans passés dans le site des déplacés de Kanyaruchinya, je suis rentrée chez moi. Curieusement, j’ai découvert que ma parcelle était déjà occupée par une famille étrangère. Ces nouveaux occupants prétendent avoir été envoyés par leur communauté pour s’installer ici par la force. »

La Congolaise Kahambu Nyabikiro dénonce cette situation comme étant une manœuvre d’escroquerie et d’accaparement illégal de terres. Son témoignage illustre les conséquences dramatiques du conflit sur les droits fonciers et la sécurité des populations déplacées.

Un contexte d’insécurité et de tensions ethniques croissantes

De nombreuses tensions découlent d’accusations de spoliation systématique de terres. Cette situation fragilise davantage la cohésion sociale dans une région déjà marquée par de profondes divisions ethniques. Des acteurs de la société civile dénoncent ces pratiques et appellent les autorités à renforcer les mécanismes de protection des personnes déplacées et à garantir la restitution des biens spoliés.

Une spoliation de terres planifiée

Un autre témoignage prouve noir sur blanc l’intention de remplacer une partie des populations congolaises de l’Est. Ici un homme (dont nous taisons le nom) raconte dans quelles conditions il s’est installé au Nord-Kivu :
« Je suis arrivé ici contre ma volonté. Un jour, on nous a recensés en nous disant que nous allions suivre une formation militaire. Par la suite, ils nous ont divisés en deux groupes : l’un est effectivement parti en formation militaire, tandis que mon groupe a été envoyé ici, dans le territoire de Nyiragongo, en passant par les bornes frontalières 12 et 13.

On nous a dit de venir nous installer ici dans les maisons et parcelles qui étaient inoccupées. D’autres familles, quant à elles, ont été envoyées pour s’installer à Rutshuru et à Masisi. Je suis ici depuis 2023. »

Il a perdu son fils en revendiquant sa maison spoliée

Flavien Poroto (nom d’emprunt pour sa sécurité) exprime sa colère en partageant lui aussi son douloureux témoignage : « Je vivais dans le site de Bushagara lors de l’arrivée des rebelles du M23 à Goma. Ils nous ont ordonné de quitter le site pour retourner de force dans nos milieux d’origine. Nous n’avions pas le choix, car ceux qui osaient refuser subissaient des violences et leurs abris étaient détruits.

Par crainte pour ma famille, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis rentré malgré le désespoir. Je suis père de six enfants. À notre retour à Masisi, j’ai découvert avec stupeur qu’une autre famille s’était déjà installée dans notre maison. Ils nous ont interdit d’y accéder.

J’ai tenté de faire valoir mes droits, mais la situation a vite dégénéré. Et mon fils a été tué à la machette par ces occupants. En plus de cette terreur, ils nous ont lancé des paroles choquantes : ‘Ici, c’est chez nous. Vous devez apprendre à vivre avec nous sans rancune, sinon nous vous exterminerons et reprendrons cette terre de force.’ »

L’occupation de terres et de maisons abandonnées par les déplacés peut alimenter des tensions interethniques et aggraver les conflits communautaires. Ces dynamiques peuvent fragmenter davantage les populations locales et perturber les efforts de paix.

Appel à l’action

Les organisations humanitaires et les défenseurs des droits humains appellent les autorités et les partenaires internationaux à garantir la sécurité des personnes déplacées et à faciliter leur retour volontaire dans des conditions dignes. Il y a nécessité absolue de rétablir la paix dans cette région et de mettre en place des mécanismes de médiation pour résoudre les conflits fonciers et éviter l’escalade de tensions ethniques. Sans oublier de renforcer la protection des femmes et des filles contre les violences basées sur le genre.

Les cas évoqués dans cet  article ne sont que des exemples que nous avons recueillis parmi tant d’autres. Ils illustrent la souffrance des populations déplacées de l’est de la RDC. Une situation alarmante qui exige des réponses urgentes et concertées pour préserver la paix sociale et rétablir les droits des victimes.

 

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