Situé à plus de 70 km de Goma, le territoire de Rutshuru occupe une position stratégique. Il partage sa frontière Est avec deux pays voisins : le Rwanda et l’Ouganda. Le Rutshuru est beaucoup plus exposé aux tensions et conflits ethniques en raison des rivalités de deux ethnies majoritaires qui y habitent.
Les Nande et les Hutu vivent dans le Rutshuru comme chien et chat. Qu’un malheur arrive à un Nande, tous les Hutus seront pris pour responsables, et vice-versa. Ici ce qui fâche le plus, c’est le fait d’appeler un Hutu « Munyarwanda », (Rwandais en français), car les Hutus s’expriment en kinyarwanda, une langue parlée au Rwanda.
A Nyamilima où j’ai récemment voyagé dans le cadre de mon travail, j’ai assisté à un petit accrochage entre des enfants qui jouaient. Cet accrochage a failli embraser tout le village. Pendant trois jours, la tension était vive. Un enfant d’une famille Nande aurait lancé à un enfant Hutu : « Toi Rwandais, toi et tes parents, rentrez chez-vous au Rwanda, vous n’êtes pas Congolais comme nous. » Les parents Hutu ont dû porter plainte auprès des autorités locales contre les parents de l’enfant Nande. Pour eux, si un enfant de dix ans peut tenir de tels propos, c’est certainement ce qu’il a appris de ses parents. Ce conflit a paralysé toute la localité ce jour-là. J’étais témoin d’une expression d’intolérance intercommunautaire sans précédent. Pour résoudre ce problème, la famille Nande a été obligée d’emménager à la Cité de Rutshuru à une cinquantaine de kilomètre de son milieu de vie habituel.
L’ethnie, un problème complexe dont ne profitent pas les victimes
Là vérité est que les personnalités des deux tribus manipulent les membres de leurs communautés. En tout cas, c’est du moins l’avis de plusieurs ONG qui dénoncent ce conflit qui n’en finit pas et empire depuis avril 2016. Ces rivalités ethniques ont fait naître des groupes armés qui se disent défenseurs de telle ou telle ethnie. L’occupation du territoire de Rutshuru est partagée entre ces milices tribales.
De la cité de Kiwanja (75 km de Goma) jusqu’au village de Kisigari, la zone est contrôlée par la milice Nyatura qui dit protéger le peuple Hutu. De Kisigari à Ishasha (cité frontalière de l’Ouganda), ce sont les maï-maï Charles. N’importe quelle intrusion d’éléments d’une milice adverse en territoire ennemi est un véritable acte de guerre qui entraîne des représailles sanglantes.
Il est temps de mettre fin à ces rivalités inutiles. Pourquoi s’entretuer, alors que les commanditaires et les bénéficiaires de ces conflits ethniques vivent paisiblement loin de Rutshuru. Leurs enfants sont en sécurité et vont à l’école pendant que les enfants de Rutshuru sont contraints de se réfugier en forêt. Il est ridicule que pendant trois jours, tout un village soit en ébullition simplement parce qu’un jeu d’enfant a mal tourné. Nous méritons mieux dans notre Rutshuru.