Le harcèlement sexuel ronge nos universités. Le silence observé par les victimes et les témoins face à ce fléau fait que les auteurs vivent non seulement dans l’anonymat, mais aussi dans l’impunité. Comment briser le silence ? Les jeunes étudiants, non étudiants et quelques autorités académiques ont réfléchi sur cette question lors de la conférence-débat organisée par Habari RDC à Mbujimayi.
« A l’allure où vont les choses, nos universités courent le risque de devenir des milieux pourris, des réservoirs d’antivaleurs au lieu d’être des temples du savoir. Notre pays risque aussi d’avoir une élite féminine à compétence douteuse parce que détenant des diplômes sexuellement transmis », a déclaré en ouverture le coordonnateur provincial de Habari RDC à Mbujimayi. Une forte déclaration qui a captivé l’assistance.
Un professeur encourage les victimes à délier leurs langues
Professeur Lazare Tshipinda, orateur du jour, explique que le harcèlement sexuel dans les universités est une question « sensible, délicate et malheureusement taboue ». Visiblement dans cette conférence, le professeur s’est retrouvé dans une sorte d’embarras, car il doit parler d’un sujet que la plupart de ses collègues n’osent aborder devant des étudiantes dont ils bafouent la dignité. Mais Lazare Tshipinda est catégorique : pour mettre fin au phénomène, il faut à tout prix briser le silence en dénonçant les auteurs des harcèlements sexuels. « Les filles doivent dire non au harcèlement dès la manifestation des premiers gestes et intentions du harceleur », a martelé le professeur.
Selon lui, les stratégies utilisées par les enseignants harceleurs pour capturer leurs proies sont par exemple les intimidations et les menaces de faire échouer les étudiantes. Ainsi, de peur de reprendre l’année, la jeune fille finit par livrer son corps au harceleur.
Des témoignages émouvants
Chaque fois qu’une étudiante prenait la parole dans cette conférence, on pouvait lire la peur sur son visage. Peur de raconter les harcèlements dont elle a été victime. Peur que le bourreau n’apprenne qu’il a été dénoncé dans une conférence de Habari RDC. Et c’est là que j’ai compris que le mal est très profond dans nos universités. « J’ai repris l’année parce que j’avais refusé les avances d’un professeur. J’ai encore ses SMS de harcèlement sur mon téléphone », révèle une étudiante en médecine. Une autre étudiante déclare : « Je reconnais que nous vivons le harcèlement, mais je ne peux pas dénoncer un professeur. Il peut influencer tous ses collègues et me faire échouer. Surtout, je n’ai aucune garantie qu’en dénonçant je ne ferai pas l’objet de représailles. Je ne veux pas avoir des ennuis s’il vous plaît. »
Pour Florence (pseudo), cette campagne de Habari contre le harcèlement sexuel en milieu universitaire n’est que peine perdue, d’autant plus que les victimes n’ont pas de preuves solides à présenter pour faire valoir leur dénonciation. Dommage que beaucoup de filles tolèrent que leur réussite à l’université passe inéluctablement par la violation de leur dignité.
Quelles preuves pour attester le harcèlement ?
À propos des preuves, Samy Kadima, un avocat rétorque à une étudiante : « Mademoiselle, il n’y a pas meilleures preuves que les textos de votre harceleur que vous détenez sur votre téléphone ! » Plus courageuse, Justine est prête à dénoncer les harceleurs, peu importe le prix à payer. Elle n’a pas peur d’un échec forcé à l’université. « Que les filles sachent que l’échec n’est pas fatal. La dignité vaut plus que l’échec à l’université », a-t-elle souligné.
La majorité des participants a décidé de créer sur le champ une structure de lutte contre le harcèlement sexuel dans les universités. Sur place, cette structure a enregistré l’adhésion de tous les représentants des institutions universitaires de Mbujimayi présents à cette conférence.