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Journées Sidaction en France, et à Kinshasa ? parlons-en !

Les 25, 26 et 27 mars ont lieu en France les journées de collecte annuelle de fonds par l’ONG Sidaction, en vue de lutter contre la pandémie du VIH/Sida. Cette année, plusieurs communiqués de presse font état de l’impact négatif de la Covid-19 sur la pandémie de VIH/Sida, cela en raison de la forte diminution de la sensibilisation, notamment auprès des populations jeunes, ces deux dernières années.

Par mon expérience professionnelle à Kinshasa, j’ai entendu dire quand quelqu’un meurt, on ne sait pas très bien de quoi, donc les gens disent qu’il ou elle est mort.e d’une « maladie ». Est-ce la Covid-19 ? Le cancer ? Le diabète ? L’hypertension ? Le VIH ? On ne le sait pas toujours, on ne trace pas tous les cas, notamment ceux des morts à domicile. Et pourtant…aux yeux des bailleurs, la RDC serait un pays à faible prévalence de VIH, lequel serait localisé essentiellement au sein des « populations clés », par exemple les travailleurs du sexe, les personnes LGBTQr, les jeunes…

Pourtant, au centre hospitalier Kabinda, dans la commune de Lingwala, une commune de Kinshasa, j’ai vu arriver des patients au stade avancé du VIH venant de tous les milieux sociaux.

Des centres de santé en manque de tests de dépistage du VIH

Faible prévalence signifie moins d’aide que dans les pays à forte prévalence comme l’Afrique du Sud ou le Malawi. Ainsi, si la ville de Kinshasa est partagée entre les deux gros bailleurs, Pepfar et Fonds Mondial, le reste du pays est très peu soutenu. Et malgré cette aide, même à Kinshasa, certains centres de santé manquent de tests de dépistage, de médicaments ou de moyens de mesurer la charge virale. D’autres manquent de tout et n’ont pas de personnel formé.

Or, quand on sait qu’une fois dépisté positif, le malade mis sous traitement a une forte chance de voir sa charge virale devenir indétectable et donc de vivre normalement en ne transmettant même plus le virus, on peut se questionner sur l’absence de dons visant à mieux sensibiliser et éduquer la population, qui dans certains quartiers taxent encore de sorciers ou de démons les personnes vivant avec le VIH.

Enfant dans les années 80 en Europe, j’ai eu la chance de bénéficier d’une sensibilisation massive à la prévention du VIH par l’utilisation de condoms et en tous cas, à la nécessité de se faire dépister régulièrement. Que ce soit à la télévision, à la radio, sur les panneaux publicitaires, à l’école ou à l’entrée de n’importe quelle fête, boîte de nuit ou festival, l’on ne pouvait vivre sans connaître l’existence du VIH/Sida. Or, aujourd’hui, j’entends souvent dire, ici ou en Europe, que le VIH n’existe plus, que ce n’est pas grave ou encore pire : « Qu’il vaut mieux attraper le VIH que le cancer », alors que le VIH tue toujours aujourd’hui, et particulièrement en RDC comme dans beaucoup de régions d’Afrique sub-saharienne.

Une sensibilisation de masse jusqu’à l’apparition d’un vaccin

Tant que nous n’aurons pas de vaccin et surtout que nous n’aurons pas vacciné la majeure partie de la population, le virus du VIH continuera à faire des ravages. La solution immédiate, dans un pays comme la RDC qui par endroit n’a aucun accès au traitement, reste la sensibilisation de masse et continue. Or, actuellement on en parle beaucoup trop peu et la génération sans Sida n’est pas encore prête de voir le jour.

Les portes d’entrée à la lutte se situent actuellement au niveau des femmes enceintes que l’on dépiste pour éviter qu’elles ne transmettent le virus à leurs bébés, les personnes ayant la tuberculose car elles touchent beaucoup de personnes vivant avec le VIH, et les populations clés. Ces trois groupes, du moins à Kinshasa, font l’objet d’une attention spécifique dans les centres de santé. Mais, sachant que les ruptures de tests sont légion et qu’en raison des consultations payantes et du coût des transports, nombreux sont ceux qui n’ont pas d’accès aux soins. L’accent devrait être spécifiquement porté à la prévention et à l’éducation des populations au VIH.

Bien sûr, donner de l’argent pour des sensibilisations de masse est un choix économique, qui ne fera pas tourner l’industrie pharmaceutique dans les mêmes proportions. Mais il est reconnu que la maîtrise de cette maladie infectieuse passe par l’éducation continue, ainsi notamment que nous avons pu la neutraliser à la fin des années 90 en Occident, et c’est en raison de sa quasi inexistence ces deux dernières années que les cas remontent en flèche en France et dans d’autres pays voisins. C’est pour cela que les équipes du centre hospitalier Kabinda voient arriver les mêmes cas de VIH avancé depuis des années en raison de l’absence de dépistage ou du dépistage tardif de malades n’ayant dès lors plus aucune immunité.

Tous sont unanimes : personnel soignant, société civile, ONG, employés du Programme national… la maîtrise de cette pandémie passera par la sensibilisation de masse et ciblée, utilisant des moyens adaptés à chaque population : radio, télévision, informations sur les places de marchés, messages à transmettre via les églises, les écoles et même sur les lieux de travail. Cela doit se faire de manière continue jusqu’à ce que le vaccin contre le VIH voie le jour et soit rendu accessible à tous. Sans cela, on ne pose que des pansements, on ne prévient rien. Et nombre d’innocents se voient rejetés, exclus, abandonnés et relégués sur le banc de la honte. Car qui dit absence de sensibilisation et parole publique, dit également rejet et stigmatisation.

Certaines thèses affirment que le virus du VIH serait apparu non loin de Kinshasa il y a plus ou moins cent ans. Il aura mis quelques années seulement à muter pour devenir l’actuel virus responsable de la maladie du Sida. Il aura causé la mort de plus de 33 millions de personnes depuis le début de la pandémie, 33 millions d’innocents. L’OMS a lancé un plan de maîtrise de la pandémie pour 2030, malheureusement on en est loin dans une ville comme Kinshasa, comme dans le reste du pays.

Ayant travaillé sur plusieurs projets humanitaires médicaux en RDC et à Kinshasa, je souhaiterais lancer une campagne de sensibilisation à la prévention et au dépistage du VIH dans les prochains mois à Kinshasa. C’est suite à ma dernière expérience à Kinshasa dans le domaine de la lutte contre le VIH et le constat du manque accru de sensibilisation continue au VIH, à la différence de ce qu’on a vu avec la Covid 19. J’ai tenu donc, par cette plume, à mener un plaidoyer en faveur de cette sensibilisation massive et pérenne, visant à prévenir et à atteindre les fameux 95% de personnes vivant avec le VIH dépistées et mises sous traitement en 2030.

 

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