Dans la région du Kasaï au centre de la République démocratique du Congo, lorsque vous prenez la route pour parcourir différents villages, vous êtes surpris par une chose : les feux de brousse. On les voit partout, dans chaque village. Si rien n’est fait pour stopper ce phénomène, il n’y aura plus de forêt ni de terres arables au Kasaï. Imaginez les conséquences sur le climat et l’environnement.
En RDC, brûler est une habitude qui est entrée dans les mœurs. Pendant la terrible guerre de Kamwina Nsapu au Kasaï en 2016 et 2017, les incendies d’habitations étaient utilisés comme armes de guerre. Pour démontrer leur force et leur capacité de nuisance, les groupes armés attaquaient les villages et brûlaient les habitations, laissant les populations sans abris. Aujourd’hui après la guerre, ce sont la brousse et les forêts qui sont brûlées.
En parcourant la route Mbujimayi-Kabinda jusqu’au fond de la province de Lomami, tout ce que l’on voit comme paysage ce sont de vastes étendues de terres arables consumées littéralement par les feux de brousse. Ce phénomène est omniprésent et prend des proportions inquiétantes. Cette situation a des conséquences néfastes sur le climat, l’environnement et la sécurité alimentaire.
Curieusement, les populations locales, déjà très pauvres, ont des croyances erronées sur les feux de brousse. « En saison sèche, nous brûlons régulièrement les herbes avant les semailles, car la cendre des brousses permet de fertiliser le sol », raconte un vieil homme. Les villageois croient que les feux de brousse jouent le rôle d’engrais naturel. Pourtant en réalité, c’est le contraire. Les feux de brousse détruisent et appauvrissent les sols. La preuve, la production agricole au Kasaï est aujourd’hui déficitaire, dérisoire. Le maïs, aliment de base au Kasaï-Oriental est désormais importé, alors qu’il y a 20-25 ans, la région était le grenier d’une bonne partie de la République démocratique du Congo. On y produisait abondamment le haricot, le manioc, le maïs, l’arachide, etc.
Gibier raréfié et réchauffement climatique
Une autre cause des feux de brousse, c’est la chasse. De temps en temps, les chasseurs cernent une partie de la savane qu’ils embrasent pour déloger le gibier. Un chasseur de Kabinda explique la tactique : « Le gibier est devenu rare ces dernières années. Nous pouvons faire deux semaines de chasse sans rien avoir. La seule manière d’attraper des petits animaux comme les renards, les porcs-épics, les écureuils, les ras ou les chacals c’est de mettre le feu à la savane d’un côté et d’attendre les bêtes en embuscade de l’autre. » Hélas, ce chasseur a oublié qu’en brûlant la savane, les bêtes fuient au loin et ne reviennent presque jamais.
Le climatologue et professeur Alphonse Kambi Dibaya estime que les feux de brousse sont parmi les causes principales de la déforestation, de la dégradation du sol et du réchauffement climatique dans la région du Kasaï. A titre d’exemple, la ville de Mbujimayi a connu de fortes chaleurs inhabituelles ces trois dernières années. Au niveau national, Omer Kabasele du Groupe de travail climat Redd rénové tire la sonnette d’alarme et interpelle les autorités congolaises sur la question. Selon lui, les feux de brousse sont le nouveau moteur de la déforestation.
Au vu de l’ampleur de la situation, une sensibilisation des populations s’impose à grande échelle contre le recours aux feux de brousse. Il faut les aider à comprendre les dégâts que le phénomène cause au sol et au climat.
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