A Goma, tout va bien, jusqu’au 21 mai. Les jours avancent, mon séjour tend à sa fin. Le programme est même calé : un tour au marché samedi et une ultime visite de la ville dimanche. Le vol est prévu mercredi. Seulement voilà, le Nyiragongo s’est invité dans mon agenda. C’est sa drôle de façon de m’accueillir à Goma.
Ce samedi-là, ma journée s’achève normalement. « Il est 18h00, nous devons descendre pour le barbecue organisé dans la maison », dis-je à un collègue du balcon. C’est alors que tout dégénère !
A l’extérieur, c’est la psychose. Tout le monde se dirige vers le parking. « Le ciel est rouge ! », peut-on entendre crier sans plus de détails. En pareille circonstance, la veille sur les réseaux sociaux est souvent le reflexe. Sur la toile, les fakenews rivalisent avec la bonne information. Difficile de déceler le vrai du faux. Les uns disent : « Le Nyiragongo est entré en éruption. » Les autres rétorquent : « Non, c’est plutôt le Nyamulagira ! » Certains vont jusqu’à dire : « Ce n’est pas un volcan, c’est un incendie ! »
Les versions se multiplient et la tension monte. Avec ça, notre barbecue n’est plus intéressant. La panique et la peur nous envahissent. Les appels fusent de partout, tandis que la communication officielle tarde.
L’éruption du Nyiragongo confirmée par les autorités
Finalement, le gouverneur militaire du Nord-Kivu confirme le pire : c’est bien le Nyiragongo qui crache du feu. Immédiatement, l’ordre d’évacuer les lieux est donné. Nous prenons la direction de la frontière, en vue de rallier le Rwanda voisin.
Sur la route, un fait curieux : des parents et leurs enfants prennent le sens contraire. Plusieurs familles, assises à l’extérieur, ne savent où s’abriter. La tragédie répand l’angoisse et la peur.
D’un hôtel à un autre, puis un doux sommeil
Savez-vous ce que signifie « kokima mbula na ébalé » ? (traduire : fuir la pluie dans la mer). C’est exactement ce qui nous arrive. Embouteillages, contrôles…, tout est fait pour tuer notre temps. La peur au ventre, tout le monde veut traverser.
Véhicules personnels, camions, piétons et même certains animaux, personne ne souhaite rester à Goma. Une minute perdue semble durer une année ! Deux heures plus tard, nous arrivons finalement au Rwanda.
Dans une chambre d’hôtel à Gisenyi, à quelques encablures de la frontière, la nuit est de tous les tourments. Les tremblements de terre font ressentir l’effet d’un lit à ressort. En plus de ces séismes, le portrait d’un gorille suspendu en face de mon lit semble m’intimider. Le sommeil refuse de venir. Comment dormir quand tout tremble ? Et si les vitres tombaient sur moi ? Je passe quasiment une nuit blanche.
Le matin, on déménage vers un hôtel plus calme. Dans ma chambre, au quatrième niveau, la douche me « drague », mais la peur me hante. « Et si tout s’écroulait pendant que je suis sous la douche ? »
J’ai tout de même réussi à vaincre ma phobie et à prendre un bon bain malgré la peur. Loin de s’améliorer, la situation va de mal en pis. Le restaurant suspendu de l’hôtel intensifie chaque tremblement. Retourner à Kinshasa est désormais mon seul rêve.
La plus forte magnitude des tremblements de terre a été enregistrée le matin du 25 mai 2021. Pourtant, c’est ma plus belle nuit à Gisenyi. Comme quoi, le temps guérit la peur.
Eza somo