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Masisi : combattre les conflits fonciers entre éleveurs et agriculteurs

L’émergence des pâturages pour l’élevage dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, ne favorise pas l’agriculture faite par les paysans. Des hommes riches accaparent de vastes étendues de terre et ne laissent pas d’espaces cultivables à la communauté locale. Cette situation accentue les conflits entre éleveurs et agriculteurs dans cette partie du pays.

Le territoire de Masisi est connu pour ses potentialités agricoles. C’est le grenier d’où proviennent des produits agricoles qui nourrissent la ville de Goma et ses environs. Curieusement, au cours de mon voyage dans le Masisi, j’ai vu des pâturages qui dominent de plus en plus les terres arables. Ces pâturages appartiennent à des hommes puissants, notamment à des politiques, des militaires, des commerçants, etc. Ils occupent de grandes étendues sur les terres des communautés locales. Il y a aussi le fait que des populations locales -dont des déplacés de guerre-, sont entassées dans de petites agglomérations et des camps de déplacés. Ces derniers n’ont pas assez d’espaces où cultiver la terre pour subvenir à leurs besoins.

Le nœud du conflit des terres

Comme je l’ai dit plus haut, l’émergence des pâturages pour l’élevage des vaches, moutons et chèvres ici dans le Masisi ne favorise pas l’agriculture. Cette situation est source de conflits. Voici ce qu’en pense Olivier Ndoole, secrétaire exécutif de l’ONG Alerte congolaise pour l’environnement et les droits de l’homme (ACEDH) : « Les concessionnaires doivent respecter l’accord signé en 2013. Cet accord entre eux et les représentants de la communauté locale prévoyait de laisser des corridors et des espaces sur lesquels les paysans pouvaient   cultiver en toute liberté. Le refus de céder ces corridors pousse les agriculteurs à violer de temps en temps les limites des pâturages en y cultivant. C’est là le nœud du conflit entre agriculteurs et éleveurs dans le Masisi. »

ACEDH est appuyée par une dizaine d’autres organisations de la société civile travaillant dans le secteur foncier à travers des plaidoyers en faveur des agriculteurs locaux.

Emprisonnés pour avoir réclamé sa terre

A Kitshanga (150 km à l’ouest de Goma), les agriculteurs vivent un calvaire. Ils sont l’objet d’arrestations et de traitements dégradants de la part des gestionnaires des terres accaparées, dénonce Obed Karafuru, président de l’Association des anciens ouvriers sans terre de Kitshanga. Il explique : « Nos membres sont victimes de plusieurs arrestations arbitraires. Quatre d’entre eux ont été incarcérés à la prison centrale de Munzenze en octobre dernier pour avoir réclamé leurs terres. »

Obed Karafuru ajoute que ce sont les militaires qui gardent les pâturages voisins à son champ qui ont procédé à la saisie illégale de ses produits agricoles après un conflit de limite. « 18 sacs de maïs, 18 sacs de sorgho et 12 sacs de haricots ont été emportés par des militaires. Je me demande pourquoi les militaires se transforment-ils en gardiens des fermes ? » s’interroge-t-il.

Puis des règlements des comptes

La vie est devenue de plus en plus difficile depuis que les hommes forts se sont emparés des terres. « Nous vivons de l’agriculture, mais aujourd’hui nous n’avons pas assez d’espaces. Les enfants ne vont pas à l’école par manque d’argent, des femmes et des filles se prostituent pour subvenir aux besoins de leurs familles. Plusieurs villageois se font enrôler dans des groupes armés pour se venger contre les concessionnaires. Dès qu’ils entrent dans des milices, ils attaquent les pâturages pour y saccager les bétails », raconte Obed Karafulo.

La terre étant considérée comme une richesse dans les milieux ruraux, le conflit foncier doit être résolu conformément à la loi en vigueur. Ce qui permettra de pacifier et de développer Masisi. Dans une note de position publiée par ACEDH en mai 2020, les acteurs de la société civile et les membres des communautés locales impliqués dans la question de la gouvernance et gestion foncière au Nord-Kivu, paysage Virunga, disent non à l’hypocrisie de la loi inique selon eux, et qui stipule que « le sol et sous-sol appartiennent à l’Etat ». Ils exigent des réformes législatives et une loi adaptée aux réalités sociales locales: « La terre pour tous, la paix pour tous ».

#TerreDePaix

 

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