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Plus de trois mois que la RDC saigne depuis sa plaie de Bunagana

Voici plus de 100 jours que la cité de Bunagana est administrée par les rebelles du M23. Jusque-là aucune option pour libérer la cité ne rassure. La solution militaire n’est plus audible. Celle diplomatique n’avance pas. La persistance de ce conflit entraîne de lourdes conséquences économiques, sécuritaires, sociales et humanitaires.

La cité de Bunagana est stratégique dans le commerce transfrontalier entre la RDC et l’Ouganda. Elle est située à environ 70 km au nord-est de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. Cette cité avait déjà servi de base au M23 lorsqu’il s’était emparé de Goma en novembre 2012. Tombé le 13 juin dernier, Bunagana est ainsi littéralement isolé du reste du pays.

Les points d’entrée et de sortie sont contrôlés par les rebelles. Le gouvernement congolais ne contrôle pas ce qui entre et ce qui sort par ce poste frontalier.

Bunagana, la voie de sortie des minerais du Kivu

A la prise de Bunagana par le M23, les autorités du Nord-Kivu ont interdit l’importation et l’exportation des marchandises via ce poste frontalier. De nombreux rapports suggèrent que les factions rebelles – y compris le M23 – contrôlent des chaînes d’approvisionnement stratégiques mais informelles des minerais dans le Kivu. Les rapports des Nations Unies indiquent que la majeure partie du trafic de coltan de la RDC aboutit au Rwanda. Une quantité importante est également détournée vers l’Ouganda via Bunagana et Rutshuru au Nord-Kivu.

De plus, Bunagana est stratégique dans le commerce transfrontalier entre la RDC et l’Ouganda. La cité comporte un important poste-frontière, ramène des centaines de milliers de dollars par mois à la RDC.

Selon les sources douanières consultées par Radio Okapi, la douane de Bunagana génère, en temps normal, entre 4 et 5 millions de dollars chaque mois pour le Trésor public. Des sommes importantes aux mains de l’ennemi et qui l’aident à financer sa sale guerre.

Bunagana, tensions interethniques au Kivu

La résurgence du M23 a mis en évidence les dynamiques ethniques complexes et explosives de la région. En effet, les manifestations contre le M23 ont rapidement pris un tour xénophobe, les Tutsis en particulier étant montrés du doigt. Lors des manifestations anti-M23 à Goma par exemple, des violences ont visé des personnes rwandophones  ou considérées comme tel en raison de leur morphologie.

A Kisangani le 14 juin 2022, un officier supérieur des FARDC issu de la communauté tutsie a été brutalisé par des manifestants en colère.

Bunagana : exacerbation des défis humanitaires

Bunagana s’est vidé de la majorité de sa population à sa reprise par le M23. Ses habitants vivent dans des camps de réfugiés en Ouganda ou des centres d’accueil dans la province du Nord-Kivu. Ceux qui sont restés ou y sont retournés vivent des jours difficiles, dorment sous la menace de leurs bourreaux avec lesquels ils sont obligés de cohabiter.

3 mois et un peu plus de 10 jours de dures souffrances pour la population locale. Plus de 170 000 personnes déplacées suite aux affrontements entre les rebelles et l’armée. Depuis septembre 2022, près de 700 ménages qui fuyaient Bunagana ont été  refoulés de l’Ouganda. Près de 8000 déplacés vivent à Rutshuru voisin dans des conditions déplorables.

Kinshasa compte sur l’ONU pour exercer une pression sur le Rwanda ou encore sur un volet militaire par le biais de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est. Des processus qui pourront prendre du temps pour aboutir. En attendant, c’est le pays qui saigne à Bunagana.

 

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