Depuis le 22 octobre, des combats seraient signalés en province de Bubanza, entre les forces gouvernementales et un groupe d’hommes armés. On connaît très peu de ces combats, parce que les journalistes du groupe de presse Iwacu qui allaient enquêter sur le terrain ont été arrêtés et emprisonnés. On les accuse de complicité avec les assaillants.
Ce qui est évident est que ce n’est pas un hasard que les groupes armés fassent parler d’eux à la veille des élections de 2020. Étant donné que les attaques des groupes armés sont souvent suivies par une répression contre ceux qui sont accusés, à tort ou à raison, de soutenir les rebelles, la période électorale promet d’être turbulente si ces combats continuent.
Ce n’est pas un hasard non plus que ces combats reprennent au moment où l’opposition en exil peine à trouver une stratégie commune et cohérente en vue de retrouver une place convenable dans l’espace politique burundais. Cette opposition est de plus en plus divisée entre ceux qui croient au dialogue, et d’autres qui pensent qu’ils ne peuvent survivre politiquement qu’en prenant les armes.
Au moment où les partisans du compromis s’apprêtent à rentrer au Burundi pour participer aux élections, le deuxième groupe cherche à convaincre le reste des sceptiques de l’opposition que la lutte armée n’est pas seulement nécessaire, mais possible. Y a-t-il un meilleur moyen d’arriver à cet objectif qu’en « poignardant » le régime – j’utilise le mot d’une personnalité de l’opposition – même si ce coup de poignard ressemble à un suicide, vu l’inégalité des rapports de force ?
L’épée de Damoclès
Ce qui est terrible dans cette affaire est que le spectre de la guerre recommence à planer sur le Burundi comme une épée de Damoclès qui peut frapper notre pays à n’importe quel moment. Mais cette épée n’est pas suspendue toute seule. Elle est entretenue, non seulement par ceux qui misent sur la lutte armée, mais aussi par ceux qui font de l’exclusion un mode d’emploi.
Si on fait un petit historique des guerres au Burundi, on voit que l’exclusion des franges importantes de la population en a toujours été la cause. C’est toujours le cas aujourd’hui. Tout le monde sait que recourir aux armes est une solution de désespoir. Depuis 2015, des centaines de milliers de Burundais vivent en exil, et sont considérés comme des ennemis du pays parce qu’ils ne sont pas d’accord avec le pouvoir de Gitega sur un certain nombre de choses. Ces gens ont besoin de retrouver leur pays, mais s’ils ne sont pas sûrs d’être accueillis comme des citoyens libres, certains d’entre eux considéreront toujours les armes comme un moyen de recours.
Les autorités burundaises sont les premières responsables de la sécurité de leurs concitoyens. Si elles ne veulent pas que le Burundi retombe dans la guerre, elles ont intérêt à rassurer tous les Burundais et à instaurer un dialogue sincère avec toutes les couches de l’opposition. Tel devrait être l’objectif du pouvoir qui sortira des urnes en 2020.