John (nom d’emprunt) est acculé par les dettes et trouve le salut en trouvant refuge à la prison centrale de Makala. Durant son séjour, loin de ses débiteurs, il y découvre un autre monde, une société fermée avec une constitution propre où les criminels gouvernent en maîtres.
Dès son arrivé, le nouveau venu se confronte à la première difficulté de son incarcération : le logement. Etre condamné est une chose, se faire loger dans une cellule en est une autre. John débourse près de 100 euros pour trouver une cellule avec un lit et des installations sanitaires acceptables. Il est logé au pavillon 1 (le quartier huppé) où sont détenus les prisonniers politiques et d’opinions et découvre la réalité des dix autres pavillons qui représentent le côté obscur de la prison centrale de Makala.
La police sécurise les lieux, mais en réalité l’ordre interne est assuré par les prisonniers eux-mêmes. En difficulté avec un vendeur de cartes prépayées, John se réfère non pas aux autorités pénitentiaires mais à un conseil de pavillon constitué d’anciens prisonniers, les expérimentés. Ceux-ci rendent justice, supervisent les corvées et perçoivent les taxes des opérateurs économiques qui y exercent leurs activités (changeurs de monnaies, vendeurs de cartes, prostituées etc). « Vous ne pouvez pas vivre là-bas sans bénéficier d’un soutien à l’extérieur », me confie-t-il. « Les riches mènent une vie normale avec un certain confort (télévision câblée, internet, téléphone, sanitaires, soins médicaux) alors que ceux qui ne possèdent rien tiennent à peine », décrit-il.
« Kulunisation »
La prison de Makala concentre une bonne partie des délinquants responsables de l’insécurité urbaine de Kinshasa. Ces jeunes appelés « Kuluna » exercent une grande influence. Ajouté à la corruption qui leur permet de bénéficier d’une libération anticipée, la prison ne constitue plus pour eux une crainte et ils narguent leurs victimes voire la police arguant que leur incarcération est sans impact.
La prison centrale de Makala est un établissement construit initialement pour 1500 personnes, mais il compte actuellement près de 6000 détenus. Nombre d’entre eux y croupissent sans avoir été jugés.
Ce « lieu de rééducation » comme il est appelé n’en est malheureusement pas un. Les prisonniers ne bénéficient d’aucune formation professionnelle et d’aucun accompagnement pouvant leur permettre d’être utiles à la société une fois remis en liberté. « Un bandit libre est moins dangereux que celui qui a été arrêté, détenu à Makala pendant un temps et libéré par la suite », m’explique John, qui y a passé volontairement, cinq mois. Ils le deviennent à cause des sévices qu’ils subissent en prison. Avec ce témoignage d’un « expérimenté » prisonnier volontaire, il y a lieu de se demander si les conditions carcérales dans nos prisons ne seraient pas, en réalité, une offense à la rééducation.
Le gouvernement devrait prendre des mesures pour permettre aux pensionnaires du système pénitentiaire de bénéficier des mêmes opportunités (éducation, accompagnement humanitaire…), que ceux qui sont dans la société, afin de permettre aux repris de justice, d’être utiles à la société une fois remis en liberté.