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Faire la route Goma-Butembo à l’ère du M23 et des Wazalendo

A quoi faut-il s’attendre quand on se lance sur la route Goma-Butembo via Kitshanga ? De quoi faut-il se munir pour ce voyage ? Je vous embarque dans mon périple.

Si vous envisagez d’aller faire un tour dans la province du Nord-Kivu, particulièrement sur la route Goma-Butembo en cette période de guerre du M23, voici l’aide-mémoire de ce que vous devez prévoir. Surtout, si vous voyagez comme passager dans l’un des véhicules de transport en commun : la voiture taxi-brousse.

De l’eau et de la nourriture

A bord d’une voiture « ya leo leo », le chauffeur vous dira que vous allez passer la nuit à Kanyabayonga. Là-bas, vous pourrez dormir dans l’un des « hôtels ». Et vous pourrez consommer l’un des menus proposés dans les restaurants de la place.

Tout cela, c’est quand il n’y a pas d’imprévus  comme la pluie. Si la pluie tombe, le chauffeur n’avance pas et vous passez la nuit au milieu de nulle part. Un endroit où l’argent ne vous sera pas utile. Voilà pourquoi ce serait prudent d’embarquer avec de l’eau à boire et de la nourriture. Sinon, tout ce que vous pourrez avaler, c’est la salive.

Prévoyez de l’argent

L’argent est le nerf de la guerre. Déjà, il faut s’assurer de payer le billet à l’avance : 50 dollars ! Presque le double du prix habituel. Une fois que vous avez sécurisé votre place à bord, mettez assez de francs congolais dans votre poche. Jusqu’à 20 000 francs ou plus si vous êtes un passager. Ça dépend de votre jour de chance.

Il y a sept « barrières » ou points de contrôle où vous devez payer avant d’atteindre Kilolirwe. Si vous voyagez à moto, à chacun de ces points de contrôle, vous payez 1000 francs congolais. En voiture si vous êtes passager, le prix va de 1000 à 5000 francs congolais.

Payez si on vous demande de payer

Sur la route, à la sortie de Mubambiro, le chauffeur annonce : « Préparez déjà vos 1000 francs ! » C’est le premier point de contrôle où l’on ne contrôle aucun document des voyageurs, mais où vous devez payer. Et ce sont les militaires loyalistes qui tiennent ce barrage routier. « La garde républicaine », me souffle mon voisin dans la voiture.

Ici, une femme voyageant avec ses deux enfants en bas âge dans la même voiture, a de la chance : le militaire lui retourne ses 1000 francs congolais « pour les beignets des enfants sur la route », lui dit-il. Moins d’un kilomètre après, voici un autre point de contrôle : « Ici, ce sont les Wazalendo », nous informe le chauffeur.

Dépassé Sake, se trouve le checkpoint d’un autre groupe de Wazalendo. Là, le chauffeur nous prévient que c’est « 5000 francs congolais qu’il faut payer ». Le fait qu’il pleuvinait n’a pas empêché le « contrôleur » de venir récolter le butin de guerre.

Ne descends pas du véhicule à un point de contrôle

Si tu n’as pas 5000 francs, mieux vaut emprunter chez les autres voyageurs. Sinon, on te fait descendre du véhicule. C’est une erreur à ne pas commettre sur cette route : si on te demande 1000 ou 5000 francs, il faut payer ! Car si tu descends du véhicule, c’est au campement qu’ils vont t’amener. Et là-bas, le « prix » va augmenter. Tu te retrouveras à payer jusqu’à 20.000 francs.

Et si tu ne paies pas ? Euh, en tout cas, je ne voudrais pas être à ta place ! Certains ont eu la malchance de payer 5000 francs à plus d’un point de contrôle tenu par les Wazalendo. Vous devez ainsi payer à différents barrages routiers entre Mubambiro et Kilolirwe.

Au checkpoint suivant, mon voisin me souffle : « FDLR ! » Surpris, je n’ai eu que mes yeux pour « pleurer », me demandant comment ces rebelles rwandais peuvent-ils avoir le culot de percevoir de l’argent sur des Congolais. Le chauffeur nous dit ensuite qu’il reste un dernier point de contrôle tenu par les Wazalendo où nous devrons encore payer avant d’atteindre Kanyabayonga.

En zone M23, le passager ne paie rien

Oui, vous avez bien compris. Aucun point de contrôle à Kilolirwe, dans la zone du M23. « Ils sont là, ils nous observent. En tenue civile », me chuchote mon interlocuteur. Seule caractéristique qui les identifie : les bottes en caoutchouc de couleur verte.

C’est à Burungu qu’il y a un checkpoint : tous les passagers descendent du véhicule, doivent montrer leurs pièces d’identité et se faire fouiller. Gare à toi si tu as des amulettes, tu seras embarqué manu militari. On te considère comme un muzalendo, un mai-mai.

A cette étape, seul le chauffeur paie. Ailleurs, et notamment là où les passagers contribuent à l’effort de guerre au profit des militaires loyalistes et des Wazalendo, le chauffeur doit aussi payer. En francs congolais, bien sûr. Pour la voiture, c’est 10 dollars.

Les camions Fuso, eux, paient jusqu’à 250 dollars aux M23 pour traverser cette partie du territoire qu’ils contrôlent. Que le véhicule soit vide ou chargé, tu dois payer si tu es chauffeur : tant dans la zone contrôlée par les M23 que les FARDC et les Wazalendo.

Un chauffeur de minibus m’a ainsi dit : « Les paiements en francs congolais ne cessent d’augmenter, réduisant sans cesse nos marges bénéficiaires. Si ça continue comme ça, je vais abandonner. » Un autre conducteur, de voiture, affirme avoir payé de sa propre poche plus de 20 dollars. Des paiements sans pièces justificatives que l’agence pour laquelle il travaille refuse de rembourser.

 

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