À la chute de Mobutu, de nombreux Kinois comme moi devions nous familiariser avec quelques mots de swahili pour communiquer avec les soldats de l’AFDL, dont le gros des troupes venait de l’Est. Parmi les mots, figurait « Tosha » qui veut dire enlever. Un mot qui visait très souvent les jeunes filles à qui l’on intimait l’ordre d’ôter un vêtement jugé trop sexy, moulant ou court. C’est à ce moment que les premières violences généralisées ciblant des femmes ont commencé à Kinshasa.
À la télévision, de nombreux témoignages sur des filles se faisant déchirer les vêtements se multipliaient. Et on ne savait pas clairement de qui était venue cette instruction. La conception des soldats semblait être que la seule tenue vestimentaire autorisée pour une femme à ce moment-là était soit le pagne, soit une longue jupe ou robe. Même les filles qui portaient des jeans étaient visées. Il y a eu des scènes d’humiliation publique. De nombreux badauds en profitaient pour harceler les victimes en se livrant à des attouchements ou des commentaires sexistes.
Mais comment les Congolaises s’habillaient-elles avant cette période ? Pas forcément en pagne en tout cas. La mode congolaise a plutôt subi les courants extérieurs et s’y est adaptée. Les robes courtes ont dominé les années 60 avant de céder la place aux moulants, blouses aux manches bouffantes, mini-culottes évasées et aux robes appelées « portefeuille ». Une mode que le « recours à l’authenticité » de Mobutu va freiner en imposant le pagne à toutes les femmes.
À la page 2 de l’édition du journal Salongo du 18 juillet 1974, on justifie « l’authenticité » comme le refus de Mobutu de laisser le peuple zaïrois épouser aveuglément des idéologies importées. La mode occidentale était perçue dès lors comme une aliénation qu’il fallait combattre à tout prix. La machine de propagande s’y emploiera jusqu’à l’ouverture démocratique de 1990 qui signifiait également la liberté de s’habiller. Vestes cravates et jupes ont repris du service. Mais la doctrine de l’authenticité n’avait pas totalement disparu des esprits.
Justificatif du viol ?
Certains ont prétendu que la hausse des violences sexuelles dans les grandes villes était en partie due à l’habillement des filles. Un argument rejeté par les organisations féministes. Un violeur n’a pas besoin de prétexte pour justifier son acte. « C’est comme si vous nous disiez : comme les filles s’habillent en body ou en pantalon…, nous avons le droit de les violer », s’exclamait alors Jeanine Mabunda lors d’un échange avec de jeunes hommes qui s’estimaient être victimes du mauvais accoutrement des femmes.
C’est cette culture du viol qui s’est installée, même dans des zones non affectées par les conflits armés. À nous de combattre cette mentalité qui crée une société de violeurs impunis.
Comment dir une fille je t’aime