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L’info brille, le journaliste scintille en RDC

L’information, ça doit briller, mais pas moins que le journaliste qui la présente. Hélas en RDC, par son habillement et la manière de se présenter, le journaliste est parfois plus en vue que l’information qu’il donne sur les écrans de télévisions. Il aime être « chic, choc, chèque » ! Un vrai journaliste de télévision en RDC n’oublie jamais de louer les « vieux », « ba prêtres », et de faire les « mabanga » sans lesquels, le talent reste inconnu.

Expliquons ces mots : « Chic, choc, chèque » sont une trilogie notoire dans le milieu télévisuel en RDC. Il faut être chic, c’est-à-dire bien sapé, également savoir manier l’argent, émettre des chèques bancaires… Vous voyez ? Mais il faut aussi bien savoir faire des « chocs », c’est-à-dire, chercher l’argent.

Par ailleurs, n’espérez pas aller loin sans de « sponsors », des donateurs… En tout cas, des « vieux » (vieux na nga), pour dire, des hommes d’influence ou des riches, capables de vous aider. Ce sont ces personnalités-là que les journalistes appellent des « prêtres » ou des « grands prêtres ». Attention : cela n’a rien à voir avec les religieux. « Ba grand-prêtres », c’est-à-dire, ces personnes importantes, pleines de largesses et qui donnent sans compter. Les « chocs », c’est auprès d’eux.

Sans doute, le chemin le plus rapide pour atteindre ces « grands prêtres » est de leur lancer des mabanga (des éloges) en lingala, langue parlée à Kinshasa. Le journaliste, mieux le chroniqueur télé, doit parfois aller plus bas encore dans ses flatteries et ses « chocs ».

Un journalisme bling-bling et de l’info qui brille

Les journalistes congolais qui voient l’information sous ces prismes passent à la télé pour être vus. Ils se soucient d’acquérir argent et notoriété. Et ceux qui ont la notoriété peuvent la vendre aux politiciens et autres personnes importantes en quête de visibilité. Le genre s’est exporté en provinces. Je crois qu’il puise sans doute ses racines dans la tendance à diviniser les puissants depuis l’ère Mobutu. 32 ans de pouvoir ne s’effacent pas aussi facilement. Voyez-vous ?

Il faut qu’un journaliste brille, qu’il luise sur les écrans des télévisions à Kinshasa ou à Lubumbashi. C’est ce que l’on croit. Justement à Lubumbashi, lors de mes premiers pas en télévision, des aînés m’ont raconté que passer sur un plateau de télé est une fête. Il faut s’habiller le mieux possible. Peut-être jusqu’à l’extravagance.

Mes conseillers ne m’ont, hélas, jamais dit qu’il fallait sérieusement une préparation avant tout passage à l’écran. J’ai vu des journalistes courir et faire des directs de but en blanc à la télévision. Sans surprise, ils n’ont fait que raconter leur vie, combien très chic ils ont été !

Journalisme à contre-courant

Maîtriser le b.a.-ba du journalisme n’est pas ce qui compte pour certains. Je connais des responsables de télévisions qui ne recrutent que des gens manipulables, capables de débiter des insultes sans réfléchir aux conséquences pour eux-mêmes et pour leurs médias. Le parrain ou le « vieux na nga » est là pour défendre, surtout s’il a de l’influence politique ! De ce genre de journalistes, vous conviendrez, on ne peut attendre ni éthique, ni déontologie, et moins encore qu’ils présentent des contenus sérieux. Je viens par exemple de regarder une émission où le contenu est moins intéressant que le générique qui l’annonce.

Alors c’est la sape qui prime sur l’information, le journaliste sur le contenu attendu de lui. On salue les gens, on lance des mabanga plus qu’on ne dit des choses intéressantes. Mais quelle frime ! Le journaliste est filmé des cheveux à la chaussure. Le caméraman insiste sur un bouton de la chemise, « la griffe » (marque) ! On pourrait même dire : « Dis-moi de quoi tu te vêts, et je te dirai quel journaliste tu es ».

Le pire c’est que ces pratiques tirent les médias et l’information par le bas en RDC. Il est surprenant que des organisations qui récompensent les acteurs sociaux choisissent ce genre de journalisme comme modèle. C’est arrivé récemment à Lubumbashi, suscitant une clameur sur les réseaux sociaux.

A relire :

« Coupage » et « tembe-tembe », deux fléaux qui tuent le journalisme en RDC

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Les commentaires récents (1)

  1. Peut-on vivre du Journalisme en actant de façon professionnelle ? Avons-nous des modèles journalistiques de référence sur.lesquels. nous inspirer ? Que faire pour sortir de ces pratiques et rendre nos émissions locales plus attrayantes ?