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« Coupage » et « tembe-tembe », deux fléaux qui tuent le journalisme en RDC

Les phénomènes « coupage » et « tembe-tembe » sont aujourd’hui les deux maux qui non seulement rongent les médias congolais mais aussi jettent l’opprobre sur la profession de journaliste dans mon pays. Ces pratiques consistent pour les journalistes – et non journalistes – à se faire payer en argent par les personnes sources d’informations. Au fil des ans, ces deux phénomènes sont devenus de véritables fléaux en RDC.   

La manière dont j’ai vu les journalistes se comporter le vendredi 13 octobre dernier, lors d’un incendie à Kinshasa sur l’avenue de Libération (ex 24 novembre), m’a laissé sans voix. Je vous raconte l’histoire.

Ce jour-là, un incendie s’est déclaré dans l’un des centres commerciaux les plus luxueux de Kinshasa, le mall Empire situé au croisement des avenues Libération et Gombe. Très vite, des journalistes de nombreux médias accourent sur les lieux pour couvrir l’événement. Avec leurs caméras, stylos et micros, ils assistent à une lutte acharnée entre les pompiers et les hautes flammes. La population s’enfuit… Les pauvres pompiers sans équipement semblent, à un moment, dépassés par l’ampleur du feu, mais finalement parviennent à maitriser les flammes.  

A peine l’incendie maîtrisé, le ministre de l’Urbanisme et Habitat, Joseph Kokonyangi débarque sur les lieux. Il est accompagné d’une délégation. Le DG du centre commercial lui donne toutes les explications sur la tragédie. Ensuite le ministre se livre à la presse.

Chaque journaliste veut sa part du gâteau ici et maintenant

En bon politicien, il parle et donne ses impressions… Je vous épargne les détails. Une fois l’interview terminée, le ministre se fait escorter par sa garde vers son véhicule. Une flopée de journalistes le suit et ne le lâche pas. Ils tiennent à lui tirer un peu de sous pour leur transport. C’est ce que l’on appelle « coupage » dans le jargon journalistique en RDC. Ils supplient le ministre de toute part : « Excellence… » par-ci, « Monsieur le ministre… » par-là. Chacun veut lui soutirer quelque chose.

Kokonyangi, fin connaisseur de la pratique, glisse alors quelques billets de banque dans le sac d’une dame. En moins d’une minute, la nouvelle se répand. Le ministre aurait laissé un million de francs congolais (environ 650$) à une des journalistes. Alors commence une chasse à l’homme, disons une chasse à la femme ! La porteuse de l’argent en fuite est rattrapée à la hauteur de l’Inspection générale de la police de Kinshasa. C’est une foule de journalistes en colère qui exige à tout prix le partage de l’argent hit et nunc, sous les regards médusés de passants dont la plupart sont des élèves et des étudiants de l’Institut supérieur de commerce. Eux qui s’apitoyaient sur le mall Empire en feu se désolent du spectacle honteux auquel ils assistent à quelques encablures du lieu du drame.

Tout journaliste n’est pas journaliste (Tembe-tembe)

Finalement, la journaliste disparaît en un clin d’œil, évacuée par une voiture louée sur le champ. Ses collègues – qui ne désarment pas – la retrouveront un peu plus tard à un autre endroit, jusqu’à ce que le partage du butin a eu lieu.

Cependant, il convient de souligner que dans la foule qui courait après la dame, peu de gens étaient véritablement des journalistes. Nombreux étaient des shegue (enfants de rue) ou encore des hommes avec une caméra ou un journal à la main, se faisant passer pour des journalistes alors qu’ils ne sont reconnus dans aucun média de la place. Ce sont ces gens-là qu’on appelle « tembe-tembe ». Ils sont souvent bien informés sur les lieux des évènements à couvrir, et ils sont les premiers à réclamer à cor et à cri de l’argent.

Quoiqu’il en soit, tant que les médias congolais seront ainsi paupérisés, les journalistes resteront toujours la risée de la société. Il leur sera difficile de se constituer en un ordre comme c’est le cas dans d’autres professions. Je pense qu’il est temps que les organisations professionnelles de médias statuent sur ces phénomènes coupage et tembe-tembe.

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Les commentaires récents (2)

  1. La pauvreté est un vice et aussi.Il faudrait que l’INFO s’implique davantage pour mieux réguler ce.genre.de.pratiques.

  2. Peu importe la complexité de la situation processionnelle du journaliste, il doit faire preuve de décence, de dignité et de probite qui plus est , dans l’exercice de son métier.