Université de Kinshasa
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Pauvreté, bizutage, manque de transport, la galère des étudiants congolais

On a souvent parlé de la galère pour trouver un emploi en RDC après ses études. Mais ce dont on parle moins ce sont les souffrances qu’endurent les étudiants. La faim au campus, le manque d’habits, des amphithéâtres qui laissent à désirer… Je pense ici aux étudiants de la ville de Goma.

Dans certaines universités, les anciens étudiants infligent aux nouveaux des brimades appelées bleusailles, et cela pendant un mois. C’est une période traumatisante pour les nouveaux étudiants. Ils vivent ce bizutage comme une formation militaire ! « Pendant cette période j’ai perdu 5 kilos. Chaque jour, on devait être à la fac à 5 heures du matin. On devait chanter, se rouler dans la boue… On subissait d’autres sévices qui n’ont rien à voir avec l’université », déplore Jonathan, étudiant en électronique dans une université de Goma. Pendant les séances de bizutage, mieux vaut être un bleu obéissant, sinon on paye très cher sa résistance. Certains étudiants ont abandonné leurs études, d’autres ont dû changer d’université à cause du bizutage.

L’impossible cohabitation entre institutions universitaires !

Si vous êtes à Goma, vous entendrez parler du Campus du Lac. C’est une bâtisse publique qui compte environ 10 ou 15 institutions universitaires différentes. La cohabitation est difficile ici. Combien de fois des combats n’ont-ils pas éclaté sur la base d’un simple malentendu entre deux étudiants de deux universités,  provoquant des semaines d’arrêt de cours ? Les universitaires sont comme des gangs rivaux. Aucun n’accepte de se faire marcher dessus. Et les bagarres sont quasi-quotidiennes, ce qui traumatise les étudiants qui ont peur des violences. C’est une crainte permanente et difficile à vivre.

Manque d’argent, ligne onze, ne rien manger à la pause

Faire la ligne onze ne vous dit sûrement rien si vous êtes un étranger. C’est une expression purement congolaise qui signifie aller à pieds lorsque l’on n’a pas d’argent pour payer le transport en commun. Ils sont des milliers ces étudiants qui font des kilomètres à pieds de la maison au campus, et pareil au retour. Quand les parents n’ont pas de moyens, il n’y a rien à faire. À la grande pause de midi, rares sont les étudiants qui arrivent à acheter quelque chose à manger. Ne pouvant rien s’offrir, les étudiants sans moyens se regroupent et se mettent à discuter. Les sujets de débat ne manquent pas : foot, politique, musique, culture… On passe le temps pour oublier sa faim. Cette situation peut être assez difficile si on l’affronte seul.

Pour se faire un peu d’argent, les étudiants inventent de faux frais de syllabus ou de travaux pratiques. D’autres profitent du taux « Mbikayi », cet ancien ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire qui a fixé à 920 francs congolais le taux du dollar américain, alors qu’en ville le dollar se change à 1600 FC. La différence fait le bonheur de l’étudiant. On raconte qu’il fut un temps où les étudiants recevaient des bourses du gouvernement. Pour nous c’est une légende, car nous ne voyons pas de bourses.

Soit tu corromps, soit tu échoues !

Dans certaines universités de Goma, on n’échoue jamais si on est d’une famille nantie. L’argent assure la réussite. La corruption l’emporte sur la formation. Pour certains enseignants, aucune réussite n’est possible sans corrompre. C’est soit une corruption ouverte, soit déguisée en « droit d’auteur » pour un syllabus ou des notes de cours.

Les autres galères sont le manque de connexion Internet, mais aussi de laboratoire dans certaines universités. Il y a aussi un problème de bâtiments. Des installations vétustes et non entretenus font l’affaire pour certaines universités. On ne devrait pas se voiler la face : étudier dans de telles conditions ne peut qu’affecter la formation des étudiants. Or, ceux-ci sont appelés à devenir les cadres de demain. Le nouveau régime pourra-t-il penser aux conditions d’étude de l’étudiant congolais ?

 

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Les commentaires récents (4)

  1. Des cadres de demain nullement encadrés.Le changement comme impulsion des intellectuels,est-il imminent?

  2. J’ai laissé un message vous proposant justement de parler des cas de bizutage à l´université’ de Kinshasa et je suis très contente d’être tombée sur cet article. Mais en attendant que pouvons-nous faire pour lutter contre ces actes de bizutage ? N’y a t’il rien à faire? J’en suis moi même victime

  3. Je crois bien, cotes à cotes avec Jacinthe que la révolution doit être eveillée à ce cas douloureux et imminent.