Lancé sur les chapeaux de roue par le gouverneur de la ville de Kinshasa, le projet Kin Bopeto (Kinshasa ville propre) avait l’ambition d’assainir une capitale surpeuplée, dans laquelle la consommation génère des déchets domestiques et industriels sans précédent. Aujourd’hui, force est de constater que l’opération Kin Bopeto est un échec qui mérite une autopsie.
Bien avant le lancement de Kin Bopeto en 2019, à la suite du désengagement de l’Union européenne qui appuyait la salubrité de la ville via le projet Parau, des particuliers munis de pousse-pousse étaient déjà opérationnels et passaient ramasser les déchets en faisant le porte-à-porte. Je pense que l’erreur du projet aura été de ne pas avoir permis d’identifier et de fédérer ces éboueurs ambulants. Ces derniers, plus réguliers que les services municipaux, déversaient leurs cargaisons de déchets dans les stations prévues à cet effet par le projet Parau.
L’augmentation de déchets collectés et le fait que l’accès aux dites stations devenait conditionné par le paiement de redevances, les ont poussés à choisir d’autres endroits pour les jeter. C’est notamment dans les rues principales et les rivières. Les services d’ébouage de la ville (Raskin – Réseau d’assainissement de Kinshasa) ne possédant pas de logistique suffisante, ces immondices restent-là des jours, des semaines, voire des mois avant d’être évacués.
Un cercle vicieux
Le commissariat provincial à l’environnement a décentralisé le nettoyage des artères en le confiant à des ONG. Problème : ces nettoyeurs ne sont dotés que de matériels rudimentaires. La poussière qu’ils évacuent des rues est refoulée dans les caniveaux, provoquant un entassement de sable qui finit par les boucher. Dans certaines artères, quelques-uns utilisent des ramassettes et des brouettes pour transporter le sable, mais cette pratique n’est pas systématique.
De l’autre côté, l’OVD (Office des voiries et drainages), institution publique en charge de l’entretien des routes, procède assez souvent au curage manuel des caniveaux. Mais là aussi, le ramassage qui devrait s’en suivre pose problème. Exposés aux vents et aux pluies, les déchets évacués finissent par retourner dans les caniveaux. C’est le même dilemme pour les citoyens exhortés à nettoyer devant leurs maisons et magasins lors des journées d’assainissement (samedi avant-midi). Ceux-ci ne savent pas comment évacuer ces déchets qui restent exposés longtemps à l’air libre.
Malgré l’acquisition régulière d’engins (balayeuses électriques, tractopelles, bennes et brouettes) issus de partenariats public-privés ou de donations, l’insalubrité urbaine n’aura jamais été aussi perceptible dans la capitale aux yeux des Kinois et des visiteurs.
Changer de stratégie
À mon sens, les nouvelles autorités devraient permettre aux communautés de s’approprier le projet Kin Bopeto en la confiant aux mairies, en synergie avec les associations de jeunes et les ONG environnementales pour plus d’efficacité. Ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent et a conduit à de l’incivisme et des comportements hostiles des Kinois. Les conflits de compétences entre la coordination de Kin Bopeto, RasKin et l’OVD, n’ont pas facilité la bonne marche du programme.