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A la rencontre des rescapés des massacres d’Ituri

Ils sont plus de 60 000 personnes – des femmes et des enfants majoritairement – installées dans trois différents sites de la ville de Bunia. Ces déplacés du conflit qui oppose Hema et Lendu vivent soit dans ces sites érigés pour la circonstance, d’autres dans des familles d’accueil. Charly Kasereka est allé à leur rencontre.

Je me suis rendu récemment dans l’un des sites d’accueil des réfugiés tout près de l’hôpital général de référence de Bunia. J’ai l’habitude de voir des déplacés de guerre dans et aux alentours de ma ville de Goma, mais ici je me sens touché par le fait que tout le monde veut parler au journaliste.

Le site est érigé sur environ 300 mètres carrés. Mobutu, nom du chargé de la logistique au camps, souhaite me faire rencontrer certains rescapés et il insiste. Nous marchons en nous faufilant au milieu de ces taudis de deux mètres sur un, où sont confinés des familles, souvent sans aucune intimité entre parents et enfants.

A l’arrivée à l’autre bout du campement, on me présente d’abord deux femmes, toutes deux la cinquantaine révolue. A côté d’elles se trouve un jeune homme d’une trentaine d’années avec des blessures à la hanche et à la tête. Il reste toute la journée allongé sur une sorte de natte, il n’est pas capable de me parler. A l’intérieur de moi, je
ressens cette douleur qui l’agace.

Des coups de machette

Alphoncine Njola , 62 ans, des mains bandées, une cicatrice au visage visiblement coupée à la machette, se déplace vers moi. Je lui demande ce qui lui est arrivé. Elle me répond en langue Gegere, heureusement à mes cotés un traducteur s’improvise. « Les plaies sur mes bras, c’est des coupures de machettes », me dit Alphoncine. « Alors que nous étions déjà cachés dans la forêt, ils nous ont pourchassés, beaucoup d’entre nous sont morts, mes deux fils et mon mari. J’étais cultivatrice, ce sera pour moi difficile de le faire encore comme tous les os des mes bras sont cassés et je n’ai plus d’habitation », poursuit-elle. « Ici je dors sous cette bâche plastique », explique Alphoncine. Cette femme est venue du village de Tché dans le territoire de Djugu au nord de la province d’Ituri.

Je suis vite entouré par d’autres femmes. Toutes veulent me raconter leurs histoires.
Honorine Ndadyo, vêtue d’un tee-shirt rouge fait la queue pour recevoir sa bouillie. Pendant la fuite, elle s’est séparée de ses frères, alors que ses parents ont trouvé la mort 10 ans plus tôt lors du précédent conflit ethnique entre Hema et Lendu.

« Tous les membres de ma famille ont été tués, certains depuis longtemps et d’autres récemment. Je vis seule ici au camp grâce à des petites aides », m’explique Honorine, 17 ans. Elle aussi porte une cicatrice au visage, sur sa joue gauche.

Grâce, 11 ans, déplacée par la guerre

S’approche alors vers moi une jeune fille de 11 ans, tête rasée à cause des blessures graves qu’elle a reçues à la tête. Grâce vit depuis quatre semaines ici. Elle aussi est venue du village de Tché, à plus de 50 kilomètres de la ville de Bunia. Elle a échappé au pire. Elle a perdu sa maman et sa main gauche en février dernier  quand un groupe d’assaillants a attaqué son village dans la soirée. « Je ne sais même pas pourquoi ils sont venus nous attaquer », dit Grâce. A mes cotés son père, lui aussi porte de nombreuses blessures. Mais il a eu la chance… Désormais, il va éduquer seul ses trois petites filles qui lui restent. Toutes portent des blessures physiques et psychologiques de ce dernier conflit en Ituri.

Avant mon départ, j’essaie d’abord d’apprendre quelques mots de la langue Gegere. Difficile pour moi car je suis un apprenti du premier jour, mais je retiens le mot « Parablo » pour dire  « au revoir ». C’est une vieille dame, la soixantaine révolue, qui m’apprend à bien prononcer ce mot.

 


Vous pouvez relire sur Habari RDC : [Reportage photo] Le calvaire des déplacés de l’Ituri en RDC

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Les commentaires récents (1)

  1. Expérience émouvante. Nous devons continuer à nous battre pour que la paix règne intégralement dans notre cher pays. En commençant par raconter ce genre d’histoires pour les faire connaître.
    Merci KASEREKA…