A quoi ressemble le voyage Goma-Butembo en province du Nord-Kivu depuis le retour des rebelles du M23 ? Et aussi, depuis que les Wazalendo, nouveaux acteurs plus ou moins officiels, sont venus s’accrocher à l’armée régulière pour lui servir de supplétifs ?
J’ai longtemps hésité à emprunter la route Goma-Butembo lorsque le M23 a repris les armes dans le Nord-Kivu. En quelques mois, les rebelles ont conquis des espaces dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo. Pour un habitant de Butembo, l’itinéraire bien connu était Kanyabayonga-Kiwanja-Goma. Mais, pour des raisons de sécurité des passagers, on évitait la partie de tronçon contrôlée par le M23. Du coup, la route Kanyabayonga-Nyanzale-Kitshanga-Goma a été l’alternative. C’est parce qu’on ne voulait pas qu’en payant sur les checkpoints du M23, cela lui rapporte des devises pour soutenir sa guerre.
Mais depuis, le M23 a compris le jeu et a étendu son « territoire » jusque sur ce tronçon, entre Kilolirwe et Buhunga (on peut aussi écrire Burunga, comme je l’ai vu sur la pancarte du centre de santé de la place), en territoire de Masisi.
Chassez le naturel, il revient au galop
Ce que l’on craignait sur le tronçon Kanyabayonga-Kiwanja-Goma est venu s’installer sur la voie alternative. On est donc obligé de payer au M23 un droit de passage, car on n’a pas le choix. Mais, ce n’est pas seulement au M23 qu’il faut payer de l’argent. Que vous soyez de simples passagers à bord de minibus ou de voitures, vous mettrez la main à la poche.
Vous voulez faire avec moi ce voyage ? Montons à bord de la voiture, celle que les gens du Nord-Kivu ont surnommée « ya leo leo », (traduction : arrivée à destination aujourd’hui même !). Ce sont des voitures dont la popularité est venue du fait que lorsqu’elles quittaient Goma à 6h du matin, elles arrivaient à Butembo à 16h, le même jour, parcourant plus de 250 km. Ça, c’était à l’époque du tronçon Kanyabayonga-Kiwanja-Goma.
De leur côté, certains chauffeurs de minibus parlent plutôt de « ya kesho kesho » (arrivée à destination demain). En effet, faire Goma-Kitshanga-Nyanzale-Kanyabayonga, est une autre paire de manches. D’abord, la voie est rocailleuse jusqu’à Mweso, ce qui fait que l’on va lentement. Ensuite, il faut prier que la pluie ne tombe pas, surtout, entre les localités de Katsiru et de Kikuku. Sinon, vous allez y passer la nuit, au milieu de nulle part.
Sur place, la route est très glissante lorsqu’il pleut sur ces collines et vallées dont la terre ferait de bonnes briques cuites. Lors de notre voyage sur ce tronçon, Dieu merci, la pluie était tombée trois jours plus tôt.
Créer une déviation
Le plus dur, ce n’est pas d’avoir prévu de se faire un bon repas une fois arrivé à Kanyabayonga pour y passer la nuit. Le chauffeur avait beau planifier d’atteindre cette cité autour de 22h, sauf qu’il n’avait pas planifié l’imprévu : les bourbiers.
En effet, il est bientôt 20h quand nous dépassons Nyanzale. Dans la vallée, entre Nyanzale et Kikuku, une colonne de camions Fuso s’est formée dans les deux sens. Une dizaine de véhicules, dont des minibus et des voitures.
Un camion Fuso est tombé en panne au milieu de la route dans une courbure. Voulant le dévier sur le côté droit, un autre camion Fuso s’est embourbé, bloquant complètement la route. Sur le côté gauche, seules les motos réussissent à passer.
Après plusieurs tentatives de venir en aide au camion embourbé, une idée vient aux chauffeurs des voitures : créer une déviation sur le côté gauche, en taillant dans le talus. Et là, voitures et minibus ont pu trouver un passage autour de 22h.
Au moins trois jours de voyage de Butembo à Goma
Sur cette route, il faut partir en convoi. Dans mon esprit, on allait passer la nuit à Kikuku. Mais non, je me trompais : les chauffeurs ont préféré continuer, roulant toute la nuit jusqu’à Kanyabayonga. C’est à 5 h du matin que nous sommes arrivés à Kanyabayonga, vraiment éreintés.
Pas de repos. Pas de pause-repas. Nous continuons la route jusqu’à Butembo, ville commerciale que nous atteignons peu avant 13h. J’ai remarqué que le chauffeur n’a pas mis la vitesse de croisière habituelle entre Kanyabayonga et Butembo, certainement à cause de la fatigue.
Pour aller de Butembo à Goma par la même voie, prévoyez trois jours de voyage. Car vous passerez la nuit à Lubero ou Kirumba. Et vous ne pouvez atteindre Kanyabayonga en plein jour que si vous avez quitté Butembo tôt le matin. Or, c’est généralement à 10h passées que les véhicules démarrent. Dans ces conditions, vous allez passer une nuit supplémentaire à Nyanzale ou Kitshanga : ça dépend de l’état de la route et de si dame la pluie intervient ou non.
A la fermeture du tronçon Kanyabayonga-Goma via Kiwanja, les voitures pouvaient même faire une semaine sur la route alternative. Si vous êtes pressés d’arriver à Goma, vous pouvez toujours emprunter la route Kanyabayonga- Kiwanja-Goma. Car, à Kanyabayonga, vous quittez la voiture et montez sur une moto. Pour 40 dollars américains, une mototaxi vous amènera à Goma en quelques heures seulement.