« La nuit du 3 mai 2016, peu après 18 heures, notre quartier de Mutsonge, situé dans la banlieue de Béni-ville, a été attaqué par des assaillants. Ces hommes étaient armés de machettes. Ils se sont infiltrés dans nos maisons. J’étais en train de préparer à manger, seul chez moi. Tout à coup, j’ai entendu mes voisins crier. Intuitivement, j’ai tout de suite compris la situation.
Mon téléphone était en train de charger dans un coin et je ne pouvais pas joindre le numéro vert. J’ai donc décidé de me mettre à l’abri. J’étais tétanisé par la peur mais je devais faire quelque chose. J’ai rapidement repris mes esprits et j’ai eu un instinct de survie.
« Passer inaperçu »
J’ai donc décidé de fuir le plus discretement possible à travers les bois. Je me suis habillé en noir de la tête aux pieds. J’étais indétectable, sauf si on projetait une lumière sur moi. Pendant ma fuite j’ai croisé deux « égorgeurs ». Dans le village nous les surnommons ainsi à cause de leur barbarie.
Les deux hommes marchaient nonchalamment en parlant une langue que je ne comprenais pas bien. Je n’y ai pas prêté attention car seule ma survie me préoccupait. Je me suis donc caché derrière un buisson le long du sentier et lorsqu’ils sont passés j’ai entendu le frottement des métaux, le bruit des machettes qui s’entrechoquaient… J’ai continué ma route mais je ne sentais plus mes jambes. Le matin, j’ai réussi à rejointre Beni-centre et j’ai été accueilli par mon cousin.
Résister malgré tout
De retour dans la journée au village, je constate que certains de mes voisins ont été tués sauvagement. Des plaies, des corps mutilités et du sang, encore du sang. Je suis rentré au village pour prendre mes affaires et quitter cette région pour de bon. Je vis désormais à Goma. Je rentrerai à Beni un jour, si la paix et sécurité sont rétablies car c’est là où est toute ma vie ».