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Journalisme à Mbujimayi : abandonner l’éthique pour survivre du « coupage »

La dégradation de la situation socio-économique du pays n’épargne aucun secteur de la vie en RDC. Parmi les victimes, on compte les journalistes de Mbujimayi. Ils vivent une vie de misère. Certains sont engagés sans contrat de travail et ne peuvent donc prétendre à aucun salaire. Très peu seulement s’en sortent un peu mieux, mais à quel prix ?

Être journaliste à Mbujimayi signifie se serrer la ceinture pour affronter la pauvreté. Ceux qui arrivent à nouer les deux bouts ne sont en réalité pas de vrais journalistes. Ce sont les chasseurs de coupage, cette pratique indigne qui consiste à se faire payer par la source de l’information. Les professionnels des médias sont obligés de fouler aux pieds les règles d’éthique et de déontologie du métier pour vivre. Il y en a qui travaillent pour des personnalités  (autorités politiques, députés, ministres…) et qui se laissent manipuler pour un peu d’argent. Si bien que l’information qui passe à la radio ou à la télévision est fortement dénaturée pour plaire à la personnalité dont le journaliste tire le revenu.

A Mbujimayi, on compte une vingtaine de chaînes de radios et de télévisions dont la plupart sont non viables. L’État se contente de distribuer des fréquences sans se soucier de la capacité du média à payer dignement son personnel. Chaque média compte au moins dix journalistes mais très peu seulement pensent à leur rémunération. Conséquence, ils vivent de la mendicité et perdent leur indépendance. Souvent, ils en arrivent aux mains lorsqu’ils se distribuent des cagnottes offertes par les autorités.

« Ventre affamé n’a point d’oreilles ! »

La plupart de ces médias de Mbujimayi appartiennent à des hommes politiques ou à des confessions religieuses. Les politiques vous promettent un poste s’ils sont élus ; les religieux eux vous promettent le paradis. C’est de cet espoir que vivent les journalistes. Jean Baudouin Mukendi est secrétaire de rédaction d’une radio locale. Il déplore les conditions de travail dans la presse à Mbujimayi : « Je touche rarement ma prime à la radio. Je ne peux même pas parler de salaire, car il n’y a pas de salaires du tout. Nous vivons grâce au coupage lorsque nous sommes envoyés en reportage sur le terrain. Difficile de nouer les deux bouts dans ces conditions. »

A Mbujimayi, rares sont les journalistes qui, après avoir réalisé leurs reportages, rangent bonnement leur matériel et s’en vont sans demander le « transport ». Ils vont faire le pied de grue jusqu’à ce qu’ils reçoivent quelques billets de banque. Et cela, au mépris de l’honneur et de la crédibilité dont doit jouir un vrai journaliste. Le ridicule ne tue plus dans nos médias. Ils vous disent : « Ventre affamé n’a point d’oreilles ! » A vrai dire, c’est la pauvreté qui tue la presse au Kasaï-Oriental. La situation est loin de s’améliorer. Voilà pourquoi certains journalistes de Mbujimayi choisissent de quitter la province pour chercher une meilleure vie ailleurs.

 


Vous pouvez relire sur Habari : « Coupage » et « tembe-tembe », deux fléaux qui tuent le journalisme en RDC

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Les commentaires récents (2)

  1. Ne soyez pas sévère uniquement avec des journalistes de Mbuyi-Mayi. Les journalistes de Kinshasa sont pires. Le « coupage » mine le journalisme en RDC. Comment voulez-vous demander l’argent à celui qui livre l’information ? Pourquoi pour diffuser une info, le média réclame les frais de diffusion ? Pourquoi un journaliste qui a couvert un événement doit réclamer « les frais de transports » à l’organisateur. Les coupagistes sont des maîtres-chanteurs, de faux journalistes. Etre trafiquant d’information n’a rien à voir avec le journaliste qui doit demeuré: Libre et indépendant ! Rien d’étonnant que des cancres et incapacitaires soient mis au devant de la scène puisqu’ils paient. Un homme ou une femme qui exerce ce métier doit être digne. Si les aînés corrompus ont dérapé, la jeune génération doit faire la différence.

  2. C’est un article triste qui dépeint une de nos réalités sociales avec crudité. On a besoin d’améliorer nos.conditions sociales à tous le niveaux pour être plus dignes…