En 2019, l’Université d’Anvers a décerné un doctorat honorifique à deux docteurs congolais Jean-Jacques Muyembe et Denis Mukwege. Le recteur Herman Van Goethem propose également de donner au grand auditorium « colonial » du Campus Middelheim le nom du premier Premier ministre congolais Patrice Lumumba. J’ai interrogé le recteur au sujet de cette dernière initiative.
Habari RDC : A propos du choix du nom Lumumba, ne trouvez-vous pas que le personnage Lumumba reste controversé en Belgique, ou plutôt pourrait susciter la controverse ?
Herman Van Goethem : Le nom de Lumumba est très fédérateur. Patrice est une figure emblématique de stature panafricaine, qui dépasse ses propres limites et s’étend bien au-delà du Congo.
Pourquoi seulement le nom de Lumumba ?Pourquoi pas celui de Kasa-Vubu, le premier président du Congo ?
Les personnes et les circonstances ont fait de Lumumba un point de cristallisation dans la réflexion sur la décolonisation et la discrimination. […] Bien sûr, il y a beaucoup d’autres personnalités importantes, dont Kasa-Vubu. Il faut faire un choix et je pense que Patrice Lumumba a cette dimension transafricaine supplémentaire dont nous avons tant besoin.
Lumumba a été un pionnier de la pensée contemporaine avec sa critique aiguë du colonialisme. Il a également défendu l’unité d’une République congolaise qui devait être gouvernée par des Congolais. Bien sûr, il a fait des erreurs.
N’oublions pas que la Belgique au Congo préférait ne donner aux noirs qu’une éducation primaire afin de les former à devenir de simples travailleurs manuels. Avec de petites maisons soignées et d’excellents soins de santé, oui, mais c’était un apartheid de fait. Si bien qu’en 1960, moins de dix Congolais noirs avaient un diplôme universitaire !
Les Congolais n’ayant pas la formation administrative et économique nécessaire, les Belges ont roulé devant eux lors des négociations. Lumumba a donc été envoyé sur la voie de l’échec et il est éliminé en janvier 1961, à peine 6 mois après l’indépendance. Il n’a même pas eu la chance de faire un projet décent pour son pays.
Pour quelle raison votre université tient-elle à honorer également Pauline Lumumba ?
Je pense qu’il est logique de relier la personne de Patrice à sa femme Pauline. Après sa mort, elle a pris soin de sa famille toute seule et avec succès. Dans la figure de Pauline, je vois ou l’université, voyons la période après 1960, avec les nombreux Congolais ordinaires qui ont travaillé très dur, jour et nuit dans des circonstances difficiles pour que leurs enfants et petits-enfants reçoivent une solide éducation et deviennent des personnes fortes et bien portantes.