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Briser l’omerta sur les violences conjugales peut sauver des vies

A Minova, un capitaine des FARDC a été condamné à perpétuité pour avoir assassiné son épouse. Outre ce féminicide, Saleh a aussi été condamné pour violation des consignes et dissipation des minutions de guerre. L’affaire Saleh questionne l’omerta observée autour de la question de violences conjugales.

D’après le ministère public, ce capitaine de l’armée avait également assassiné ses deux précédentes épouses de la même manière, sans être inquiété. Connu de l’auditorat militaire et de la communauté pour ses multiples féminicides, il a fallu que Saleh assassine une troisième personne pour finalement être condamné.

Saleh n’est pas le seul homme à s’être rendu coupable de violences conjugales. « Si ma femme pose des actes qui ne m’arrangent pas, j’ai le droit de la gifler », disait un homme. « Lui donner un coup lui permet de revenir à la raison », me confiait un autre.  Pour eux, la femme doit être corrigée comme tout enfant qui commet une faute. Seulement, ces deux hommes violents ont oublié que rien ne devrait justifier la violence à l’égard de la femme.

Souvent banalisées, les violences conjugales prennent des proportions inquiétantes dans la société congolaise. Actrices politiques, entrepreneures, journalistes, ménagères, etc., aucune femme n’est à l’abri de ces violences. Une femme sur trois affirment avoir été au moins une fois victime de violences conjugales. Incluant les violences psychologues et physiques, les violences conjugales comprennent le fait de faire des rapports sexuels sans son consentement, les insultes ou encore les coups et blessures qui conduisent aux malformations physiques et parfois à la mort.

Les insuffisances des lois

Selon la Banque mondiale, le taux de violences conjugales est de 34 % plus élevé dans les pays touchés par un conflit que dans les pays en paix. Citant un rapport du gouvernement congolais publié en 2014, le groupe Femmes, paix et sécurité affirme que depuis l’âge de 15 ans, 52% des femmes ont subi des violences physiques, et le mari ou partenaire est cité comme l’auteur de ces violences dans 67,9% des cas.

Aussi, 53% des femmes en union ou ayant été en union ont subi des actes de violence conjugale, physique et/ou sexuelle. Huit ans plus tard, les choses n’ont toujours pas changé.

Ce rapport rendu public en 2018 attribue cela à l’inaction du gouvernement congolais. Parmi les causes, le rapport mentionne l’absence d’un cadre juridique pouvant permettre de prévenir ou de combattre les violences domestiques, celles-ci n’étant pas explicitement incriminées. Aussi, ce rapport souligne le fait que la stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre mentionne les violences domestiques, mais ne prévoit aucune mesure à ce sujet. Au-delà des causes institutionnelles, le patriarcat visant à considérer la femme comme un être inférieur à l’homme renforce les violences domestiques.

Également, le regard de la société sur les femmes qui décident de briser le silence poussent certaines à rester silencieuses et à vivre avec leurs tortionnaires. « Il faut supporter », « Que vont penser les gens s’ils apprenaient que tu as quitté ton ménage parce que ton mari te battait ? », « As-tu pensé à tes enfants et à ta famille ? », « Crois-tu etre la première ? », leur répètent souvent les gens autour d’elles. Selon le rapport du groupe Femmes, paix et sécurité, parmi les femmes en union, la proportion de celles qui n’ont cherché aucune aide et qui n’ont parlé à personne est plus élevée.

Enfin, la venue des enfants dans un mariage oblige les femmes à accepter les violences conjugales. « Que deviendront mes enfants si je dénonce ? », se demandent les victimes.

La culture de la masculinité positive

Traumatisées, les femmes développent des troubles psychologiques. Obligée de vivre avec son bourreau, la victime perd parfois l’estime de soi. Dans certains cas, elle se trouve dans une situation où elle se culpabilise et se convainc d’etre la responsable de ce qui lui arrive. Et en voyant les violences dont leur maman est victime, les enfants développent également des traumatismes et, dans certains cas, deviennent plus tard des adultes violents. Des conséquences qui vont au-delà de la famille et ont un impact sur les performances scolaires de certains enfants.

Que faire pour mettre un terme aux violences conjugales ? Promouvoir la masculinité positive en inculquant aux enfants les valeurs de l’égalité des sexes dès le bas âge. Autre solution : pousser les femmes à briser le silence afin de pouvoir bénéficier d’une prise en charge. Le soutien à la victime doit comprendre la prise en charge psychologique, médicale et, pour celles qui le désirent, un accompagnement juridique.

Tout en impliquant les leaders religieux et coutumiers dans la lutte contre les violences conjugales, il serait important de renforcer les plaidoyers afin de pousser les décideurs à appliquer les lois existantes et à légiférer pour combler les insuffisances relevées en incriminant de manière explicite les violences conjugales. Enfin, éliminer les frais de justice pour les victimes des violences basées sur le genre.

 

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