Un jeune adolescent a perdu la vie dimanche 07 juin alors que la police dispersait une marche de santé à Bukavu pour faire respecter les mesures barrières. Ce fait rappelle que les interventions policières portent atteinte aux libertés fondamentales, en cette période critique de l’état d’urgence.
Alors que le pays tout entier entre dans son troisième mois de confinement, les mesures d’application ont généré moult désappointements sur le terrain, souvent à cause des lacunes réglementaires.
En Belgique par exemple, l’arrêt royal des pouvoirs spéciaux a solidement protégé de bavures policières les enfants et les personnes vulnérables en les maintenant sous le régime de la loi pénale malgré le coronavirus. En République Démocratique du Congo, l’Etat fixe le principe (cas de l’Ordonnance présidentielle du 24 mars 2020 dont l’article 3 énumère simplement les interdictions liées aux libertés) et les autorités locales se chargent de définir les sanctions. Problème, les peines ne prévoient rien sur les méthodes policières, un horrible boulevard pour les violations des droits des citoyens.
Dispersion musclée d’attroupement
A Kinshasa, pour préserver l’ordre public et faire respecter la distanciation sociale, la police a dispersé à coups de gaz lacrymogène des manifestants qui protestaient contre le décès inopiné du juge Yanyi. Bilan : un mort et plusieurs blessés. Le maintien de l’ordre public est pourtant régulé. Par exemple, le recours au gaz lacrymogène n’est pas nécessaire, puisqu’il comporte des risques notamment d’envenimer la relation avec les manifestants.
Puis, 10 jours après, c’est à Bukavu qu’une nouvelle opération policière a dégénéré. De quoi s’interroger sur les méthodes de notre police. Par exemple, face à des jeunes en jogging de routine, quel danger a pu motiver l’utilisation des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc ou même réelles ? Les bousculades qui ont conduit à la mort du jeune homme auraient pu être évitées s’il y avait eu une bonne communication.
Police et population vivant en chien de faïence
Il y a quelques jours au Nord-Kivu, la population s’est saisie d’un policier qui ne portait pas son masque de protection. Une scène certes anecdotique mais qui témoigne d’un sentiment d’injustice et du climat d’hostilité, entre les deux parties à Goma. Car, 72 heures auparavant, les réseaux sociaux avaient provoqué l’indignation générale en relayant la vidéo d’une jeune femme brutalisée par une patrouille de la police pour la même raison au point de se mouiller les vêtements devant des agents de l’ordre qui se félicitaient de l’avoir terrifiée. On ne devrait pas oublier que l’impunité est le meilleur germe de la violence. Comme le disait Eschyle : la violence engendre la violence.
L’État doit s’interposer
Il est clair qu’aucun pays n’a pu suffisamment encadrer l’état d’urgence sanitaire pour éviter les bavures. Mais l’Etat doit prouver qu’il demeure le garant de l’ordre social. Au Burkina Faso par exemple, les autorités ont mis en garde contre des répressions outrancières. Ce n’est nullement une coïncidence si en RDC, les violences occasionnées par cette crise touchent les catégories vulnérables : les jeunes et femmes, entre autres. Assez pour que les autorités prennent la mesure des événements.