Une marche pacifique est prévue le 16 février 2016, à l’initiative des catholiques. Prêts à « offrir un contrepoids » à ce qu’ils considèrent comme un message de division, les responsables des églises de réveil accusent ces évêques de vouloir faire verser du sang dans les rues. Avec les églises de réveil, Kinshasa aurait-elle trouvé la recette pour freiner la pression des évêques catholiques qui n’en finissent pas de critiquer le pouvoir depuis 2011 ?
Catholiques contre églises de réveil ou « pentecôtistes », un duel politique qui cache mal son nom. Imaginez : dans l’histoire récente du pays, Monseigneur Mosengwo a déjà géré le parlement, l’abbé Malu Malu, la CENI. Mais il y a eu aussi le pasteur Ngoy Mulunda, protestant, et d’autres chefs d’églises qui font de la politique activement. Les pentecôtistes se présentent, eux, comme « églises de droit congolais ». Alors que les catholiques serviraient la cause des « ennemis de la République », selon l’archevêque Antoine Bishamba Kijana, à la tête des églises de réveil de RDC.
Les catholiques rappellent à Kabila ses obligations
L’opposition et une partie de la société civile soupçonnent le président Kabila de vouloir prolonger son mandat au-delà de 2016. Le 13 novembre 2015, la Conférence épiscopale nationale du Congo, la CENCO, soutenait le dialogue, mais « dans le strict respect de la Constitution ». Elle a publié dans la foulée le rapport « Faudrait-il encore que le sang coule en RD Congo ? » qui a mis en colère Kinshasa. La CENCO estime « inquiétante et préoccupante » la situation politique du pays où, selon elle, restriction des libertés individuelles, répression et intimidations se multiplient. La CENCO appelle la population à appliquer l’article 64 de la Constitution qui l’autorise à barrer la route à tout individu ou un groupe d’individus qui exerce le pouvoir en violation de la Constitution.
Politisation des catholiques ?
Dans le communiqué final du 28 novembre, signé par Antoine Bishamba, les pasteurs du Regroupement des églises de réveil du Congo, le RERC, reprochent à la CENCO de s’immiscer dans la politique. Une marche pacifique, est, selon eux, un prétexte. Et les pasteurs catholiques voudraient le sang et déstabiliser les institutions du pays car la CENCO agirait pour le compte « d’une main noire. ». Une théorie du complot que l’on rencontre fréquemment dans les discours du pouvoir. La critique est encore plus corsée : « …où sommes-nous ? Est-ce du djihadisme en RDC avec toutes ses conséquences ? Comme des vampires, les évêques catholiques ont-ils soif de s’abreuver du sang congolais ? C’est surprenant ! Alors que le regard de tout le peuple congolais converge vers la tenue du dialogue national et inclusif, nos bons pasteurs catholiques nous étonnent avec leur souci de jouer aux pyromanes. ».
Politisation des pentecôtistes ?
« Le RERC promet de faire le contrepoids contre toute organisation religieuse qui annoncera l’évangile divisionniste causant la dépravation des mœurs ou en escroquant la population par des manœuvres frauduleuses ». Mais la rhétorique des pasteurs du RERC, commente un activiste de la société civile de Lubumbashi, cache mal l’orientation politique que prend l’affaire. Des pasteurs comme l’évêque Albert Kankeinza du RERC, ancien député, ont pris goût à la politique.
Attention ! Guerre de religion en gestation
Il est peu probable que les évêques catholiques répondent aux leaders des églises de réveil. Mais des chrétiens laïcs ne pourraient-ils pas un jour échapper à l’intolérance dans ce pays ? Le 16 décembre 2015, à 22h00, un responsable musulman dans une émission radio de du média officiel congolais RTNC pour débattre sur la nécessité de dialogue ou non, réclamait une discussion entre chrétiens et musulmans. Pour lui, si le pays ne marche pas, c’est la faute de ses « frères chrétiens » qui ont, jusqu’ici, géré le pays car « ils ne font rien ». Il n’est pas exclu que les chrétiens s’affrontent sur la route, le 16 février. Voir éclater un conflit religieux, qui certainement tournera en conflit identitaire, dans ce pays qui n’en a pas fini avec des violences depuis deux décennies, serait terrible. La Centrafrique, où musulmans et chrétiens vivent à couteaux tirés, en est le triste témoignage.