Au parquet de grande instance de Goma, devineriez-vous quels plaintes ou dossiers sont suivis ? Les conflits fonciers, des problèmes de succession et rarement des délits mineurs comme coups et blessures volontaires ou de l’escroquerie. Pendant deux mois de stage que j’ ai passés, je n’ai pas vu passer de plaintes sur le harcèlement sexuel. Pourtant c’est un réel problème dont tout le monde a conscience et qui est puni par nos lois. Pourquoi ce silence ?
Cette infraction serait-elle socialement considérée comme amnistiée ou est-elle simplement ignorée ?
Les victimes, prisonnières d’un tabou culturel ?
« Les femmes ne portent pas plainte sur ces genres d’affaires. C’est la société qui a appris à la femme d’être celle qui ne dévoile pas les secrets et surtout quand il s’agit d’affaires sexuelles. », me confie un aîné et maître de stage. Serait-ce la vraie cause ? Pas sûr, il y a aussi le fait que le harcèlement reste quelque chose de difficilement prouvable. Le harcèlement sexuel est un crime silencieux et isolé et par conséquent difficile à prouver car il se produit le plus souvent quand les personnes sont seules.
Mais parlant de ce tabou culturel, il ajoute : « Il arrive que les victimes effacent elles-mêmes les traces du harcèlement pour le cacher à leur entourage : arranger leur make-up et leurs vêtements, effacer les SMS, emails ou enregistrements leurs envoyés par leurs bourreaux. »
La peur que dénoncer aggrave la situation
« Oui, on n’en parle à personne parce que c’est mettre de l’huile sur le feu. », m’avait avoué Mélina (Nom d’emprunt), stagiaire en même temps que moi et étudiante dans une université de Goma. Son directeur de Travail de fin de cycle, TFC, ne cessait lui faire des compliments sur ses fesses et ses seins ou lui envoyer des messages sexuels. Mélina dénonça son harceleur au doyen de la faculté, et bien sûr il rejeta les accusations en bloc et tenta même de rejeter la faute sur elle. Au final il n’y eût rien comme sanction. Mélina voulait qu’on lui change de directeur, mais cela lui fut refusé. « Retourner travailler avec mon harceleur que je venais de dénoncer était un vrai supplice, un chemin de la croix. », se souvient-elle.
Le silence est complice, dénoncer reste la meilleure solution
Le harcèlement est puni jusque 12 ans d’emprisonnement et de dizaines de milliers de francs Congolais d’amende en République démocratique du Congo. Si l’université ne vous rend pas justice, pourquoi ne pas recourir auprès des structures de défense de l’homme qui peuvent accompagner la victime pendant le processus judiciaire ? Il ne faut pas que la société tolère ce fléau qui fait d’énormes dégâts dans les vies des victimes. Il n’existe malheureusement pas de statistiques, mais beaucoup de jeunes garçons et filles ont dû abandonner leurs rêves, leurs études à cause des harceleurs. Il est temps que tout le monde s’implique, autant qu’il le peut.