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L’intimidation en ligne : un phénomène qui se banalise en RDC

Avec près d’un Congolais sur quatre connecté à Internet, la RDC fait partie des nations ayant le plus grand nombre d’internautes en Afrique francophone. Rien que sur Facebook, 74 % des abonnés congolais ont moins de 35 ans soit 4,3 millions de personnes sur une estimation de 5,8 millions d’abonnés. Des réseaux comme Tiktok croissent aussi de façon exponentielle avec de nombreux influenceurs ayant dépassé les 500 000 abonnés. 

Avec une telle population numérique jeune, le harcèlement en ligne gagne du terrain. La drague en ligne fait l’objet de nombreux dérapages visant de jeunes femmes qui deviennent l’objet d’intimidations, d’insultes et de menaces. 

De la drague au harcèlement

Draguer une fille est un exercice délicat. Les réseaux sociaux ont remplacé les lettres d’amour. On fait une demande d’ami et une fois celle-ci acceptée, on aborde le sujet d’un coup, sans préliminaires. Une tactique risquée et qui ne réussit pas souvent.

Beaucoup disent même que celles qui acceptent de donner leurs numéros de téléphone ou de venir au premier rendez-vous sont des filles légères. Alors, quand la fille répond « bonjour » ou « bonsoir » et coupe immédiatement la communication pour rejeter la demande d’un rendez-vous, d’une photo ou de son numéro de téléphone, les hommes, les jeunes, deviennent très souvent agressifs et se mettent à harceler les filles.

La première cause de cyberintimidation est notre rapport avec l’intimité et la vie privée tel que rapporté dans ce témoignage où des photos intimes d’adolescentes ont été publiées en ligne par une rivale jalouse. Les victimes ont subi des pressions de leur entourage, amis et des autorités scolaires. Il y a cette affaire impliquant un viol en bande organisée dans lequel la victime s’est recluse pendant des années, incapable de sortir de son domicile, car constamment harcelée par ses bourreaux. En effet, cette affaire illustre l’ampleur du phénomène dans la sphère numérique. Un phénomène pour lequel peu d’attention est accordée dans les mécanismes nationaux relatifs à la violence basée sur le genre ou la protection de l’enfance. 

À Goma, des groupes Facebook (Goma Love story et Goma Bissodo) ont servi à diffuser des rumeurs touchant à la notoriété de nombreuses personnes décrites comme homosexuelles ou praticiens des sciences occultes. Des listes postées ont ainsi été partagées à grande échelle. Des victimes, affectées par ces rumeurs ont soit quitté la ville, soit sombré dans la dépression ou tenté de se suicider. 

Des solutions

Très souvent quand un jeune est harcelé, vers qui se tourne-t-il ? Il est souvent difficile d’aller vers les parents de peur de se faire remonter les bretelles. Les personnes victimes d’un harcèlement très prononcé ont plus qu’on ne le croit, un besoin d’assistance. Il n’est pas évident pour un jeune de se rendre à la police porter plainte. Les victimes se rendent à la police quand les parents ou les tuteurs sont impliqués, notamment quand la victime est un mineur. 

Aborder ces questions avec nos parents peut se révéler délicat. Cependant, il existe dans nos familles, des oncles ou des tantes qui sont plus faciles à aborder par les jeunes et qui peuvent leur servir de conseillers ou de confidents. Des intermédiaires avec qui il est possible d’envisager des actions ou qui peuvent voir aborder la question avec les parents. 

L’ampleur du problème fait que l’internet ne devrait plus être une activité à traiter hors du cadre de l’éducation formelle. Nos cours d’informatique devraient évoluer vers une approche qui aille au-delà de son côté pratique et de son utilité professionnelle pour aborder les questions liées à la sécurité et à la protection de la vie privée. Car moins les jeunes en sont conscients quand ils sont en ligne, plus nous continuerons à déplorer chaque jour les dégâts causés par les sextapes et le harcèlement en ligne avec toutes ses conséquences. 

La cyberintimidation est une forme de violence basée sur le genre au même titre que les autres formes de violences. À ce titre, les survivantes doivent bénéficier d’un accompagnement psychologique pour surmonter le traumatisme dont elles peuvent souffrir. 

Survivre à une réputation détruite n’est pas facile et peut pousser à prendre certaines décisions dramatiques. Ce sont ces traumatismes non diagnostiqués ou non pris en charge qui conduisent à des attitudes négatives comme la difficulté de nouer des relations sociales saines, la peur ou le refus de s’attacher aux autres, la dépression et ses conséquences dans le monde du travail. Certaines survivantes deviennent méfiantes des hommes en général, agressives ou moins confiantes en elles. 

Évitez de suivre la masse

Il est important d’avoir une attitude consciente de la cyberintimidation. Beaucoup de jeunes sont attirés par l’effet de groupe. Vous pouvez vous retrouver ajouté à un groupe de discussion sur WhatsApp ou Facebook où des gens insultent ou calomnient une personne, un groupe de personnes, une ethnie, etc. Quelles que soient vos convictions personnelles, il est important d’avoir de la retenue et de bien contrôler vos interactions. N’oubliez pas que ce que vous écrivez, publiez ou partagez est très facile à trouver ou à retrouver en ligne. 

Ne souillez pas votre réputation en vous mettant à insulter, répandre des fakenews ou intimider d’autres personnes. Dans le monde de demain où l’interconnexion sera quasi-totale, ce que vous publiez aujourd’hui ou avez publié hier peut se retourner contre vous, le jour où vous irez chercher du travail par exemple. Votre employeur n’aura qu’à taper votre nom complet sur Google pour voir ce que vous publiez. D’autres utiliseront des logiciels spécialisés pour chercher en profondeur et déterrer toutes vos interactions. Internet n’oublie jamais. 

 

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