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Nsongo et Lianja : un récit légendaire sur les relations entre Bantous et Pygmées

Du 22 au 24 avril 2024 s’était tenu un conclave dédié au Bassin du Congo et aux enjeux environnementaux liés à cet espace partagé par six pays. En tant que facilitateur des travaux du groupe consacré aux traditions et savoirs ancestraux, j’en ai beaucoup appris sur la mythologie congolaise, en particulier sur l’histoire d’un personnage Mongo nommé Lianja.

Selon la légende, Lianja est le fils de Mbombé et Ilela, un couple dont le destin fut marqué par la découverte d’un fruit mystérieux, le safou. Mbombé étant devenue accroc à ce fruit, son mari dut se lancer dans une recherche pour en trouver la source et ainsi satisfaire les appétits de son épouse. Mais son aventure prit fin tragiquement lorsque le propriétaire de l’arbre qu’il avait enfin trouvé, SauSau, le tua. Ainsi, Lianja naît dans un contexte de tragédie, mais son destin est déjà tracé par la vengeance.

Une fois adulte, Lianja se lancera dans une quête de justice, affrontant SauSau dans un combat devenu le symbole de la lutte entre les Nkundo (Mongo) et les Batswa (Pygmées). Malgré sa victoire sur SauSau, Lianja se retrouve confronté à un dilemme moral lorsque sa sœur, Nsongo, choisit d’épouser l’ennemi juré de leur famille. Cette alliance inattendue marque le début d’une nouvelle ère où les Pygmées reconnaissent Lianja comme leur leader et se soumettent à son autorité.

La saga Lianja ne se limite pas qu’à la vengeance et aux conquêtes. Elle évoque également la quête d’une terre promise, symbolisée par la découverte du fleuve Congo. Établissant des villages et pratiquant l’agriculture, Lianja accomplit sa mission terrestre avant de s’élever vers un état de spiritualité supérieure, rejoignant le ciel aux côtés de sa sœur Nsongo.

Un récit à toutes les sauces

Cette histoire légendaire n’est pas exempte de controverses, notamment d’interprétations divergentes. Certains Bantous l’utilisent par exemple pour justifier l’asservissement des Pygmées, tandis que d’autres voient en lui un récit d’harmonie et d’interculturalité. Alain Bomboko, l’un des participants de mon groupe, a souligné l’importance de revisiter ce récit dans un contexte contemporain, mettant en avant les valeurs d’unité et de préservation de la biodiversité du Congo.

Pour John Benani Nkum, représentant des droits des Pygmées, la manipulation et la déformation du récit de Lianja ont alimenté les divisions et les tensions entre les différentes communautés. Il souligne la nécessité de reconnaître la diversité des interprétations et de promouvoir un récit inclusif qui respecte toutes les sensibilités tout en promouvant la dignité des populations autochtones.

La saga Lianja offre un aperçu fascinant de l’histoire et de la culture des populations autochtones, locales et riveraines du Bassin du Congo, tout en soulevant des questions pertinentes sur l’identité, le pouvoir, la place de la nature et la coexistence pacifique.

Revisiter ce récit légendaire dans le contexte contemporain offre une opportunité précieuse pour les opérateurs culturels de la RDC de promouvoir le dialogue et de renforcer la cohésion entre les communautés dans la région.

Le Ballet national de la RDC s’est déjà prêté à cet exercice. Le cinéma et la musique congolaise peuvent puiser dans ce récit pour construire un narratif puissant pour faire évoluer les mentalités et créer l’unité autour des efforts de conservation durable du Bassin du Congo.

 

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