Stanis Bujakera, correspondant de Jeune Afrique et co-fondateur d’Actualité.cd, croupit en prison depuis six mois pour « propagation de faux bruits » sur la mort de Chérubin Okende, ancien député et porte-parole d’Ensemble pour la République. Son arrestation, qualifiée d’arbitraire par la communauté nationale et internationale, a déclenché une vague de protestations au sein de la presse congolaise.
Tout a été mis en œuvre pour exiger la libération de Stanis Bujakera et, au-delà, la garantie d’une liberté de la presse sans laquelle il n’est pas possible de bien informer la population. Mais la presse congolaise est-elle réellement ce quatrième pouvoir tant chanté ? La mobilisation actuelle semble indiquer une certaine unité face à l’injustice, mais une analyse plus approfondie révèle un paysage médiatique fragmenté et parasité, loin de jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir.
Un silence assourdissant
En effet, si Jeune Afrique, Actualité.cd, RSF et une certaine presse en ligne se sont mobilisés pour Bujakera, l’écho est resté timide dans les médias traditionnels. Sur les chaînes de télévision et de radio nationales et locales, le silence est assourdissant. A l’exception de Télé 50 dont le directeur général Jean-Marie Kasamba a récemment interpellé le président Tshisekedi sur l’arrestation de Bujakera. Mais le silence de nombreux médias est révélateur d’une presse congolaise à plusieurs vitesses, où une poignée de médias courageux se bat pour la liberté d’expression, tandis que la majorité reste muselée par la peur, la corruption ou l’apathie.
Parasitisme et compromission
Il est important de souligner que la presse congolaise est loin d’être un bloc homogène. Le parasitisme et la compromission avec le pouvoir politique gangrènent une grande partie du paysage médiatique. Des médias pro-gouvernementaux chantent les louanges du régime en place, relayant sa propagande et fermant les yeux sur ses dérives. D’autres, mus par des intérêts financiers ou personnels, se livrent à un chantage à la publication, extorquant des sommes d’argent aux politiciens.
Dans ce contexte, l’avenir de la liberté de la presse en RDC est incertain. La mobilisation actuelle est un signe encourageant, mais elle ne suffira pas à faire de la presse congolaise un véritable quatrième pouvoir. Il est nécessaire de dépasser les clivages et les intérêts individuels pour construire une presse professionnelle, indépendante et éthique, capable de jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir et de défenseur des intérêts du peuple.
La libération de Stanis Bujakera sera une étape importante, mais elle ne devra pas être considérée comme une fin en soi. Il s’agit d’un combat de longue haleine qui nécessite une mobilisation continue pour garantir le droit à l’information et à la liberté d’expression pour tous.