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Survivre grâce à la 3G ou la 4G

Trouver un boulot au pays de Kabila n’est pas garanti. Pire, même lorsque l’on en trouve un, il garantit rarement de joindre les deux bouts. Ainsi, pour arrondir les fins de mois, quand on a une famille à nourrir, il n’y a que deux choix : soit cumuler les activités génératrices de revenus, soit associer toute la famille, (épouse et enfants) dans les efforts pour ramener un peu d’argent à la maison. A Butembo, ceux qui cumulent des activités appellent cela 2G si c’est deux boulots, si c’est trois boulots c’est 3G, etc. Il y en a qui sont déjà en mode 4G pour nourrir, vêtir et scolariser la famille !

Après ses études supérieures en sciences et techniques de développement, Alphonse n’a pas eu de meilleure opportunité que de travailler comme enseignant dans une école secondaire. Il est père de six enfants. On est en Afrique, et la famille élargie est aussi notre famille. Alphonse a des cousins, des nièces et des neveux à sa charge. Son premier fils va à l’université. Avec un salaire de 70 000 francs congolais (45 $), Alphonse sait qu’il ne peut pas subvenir à tous les besoins de la famille. Il est obligé de recourir à d’autres petits boulots. Le matin, il est enseignant, l’après-midi, il fait le coursier et de la manutention dans une agence de voyage pour le compte d’un opérateur économique à Mongbalo (en province de l’Ituri). Là, il travaille en 2G. Le soir il change de casquette à nouveau et devient motard de nuit, 3G donc. « Il faut savoir se débrouiller et accepter tout ce qui se présente comme travail. Sans cela, je ne vois pas comment je peux décemment vivre », raconte Alphonse.

C’était déjà le soir et il m’emmène sur sa moto. Il me raconte que son épouse vend des habits usagers dans des marchés en périphérie de la ville de Butembo. Elle risque souvent sa vie en voyageant perchée sur de gros camions pour se rendre en périphérie car c’est là qu’il y a la meilleure clientèle. « Dans ma petite famille, nous vivons en mode 4G ! », conclut-il.

Quant à moi j’étais triste, révolté et dégouté qu’un homme aussi intelligent, ayant fait des études, soit obligé de trimer pour vivre dans son propre pays. Un pays si riche ! Six ans passés à l’école primaire, six autres au secondaire et cinq à l’université. Dix-sept ans d’études au total pour en être réduit à vivre en « mode 4G », alors que les maisons de téléphonie mobile n’en sont encore qu’en mode 3G ! « C’est une vie d’enfer ! », s’exclame une sentinelle qui fait en même temps le maçon la journée.

Un travail ingrat appauvrit matériellement et spirituellement !

J’ai beaucoup de respect pour Alphonse car il a choisi la voie honnête pour vivre ! Ce n’est pas le cas d’autres enseignants ! Beaucoup recourent à des manœuvres peu recommandables comme des points achetables ou des cours dits d’« hygiène alimentaire » où les élèves sont sommés d’apporter de la nourriture à l’école comme matériel didactique ou travail manuel, sous peine d’échouer. Sauf que cette nourriture finit souvent sur la table à manger de l’enseignant chez lui à la maison. Tout cela affectera les élèves qui, soit passeront des classes par corruption, soit auront appris trop jeunes ce que c’est que l’abus de pouvoir et le détournement en voyant le matériel didactique censé être partagé en classe repartir avec l’enseignant !

Mais il n’y a pas que les enseignants, d’autres employés de l’Etat ont aussi leurs propres mode 2, 3 ou 4G. Et parmi eux, certains aussi font usage de la ruse et de la corruption. Des agents de l’ordre inventent des infractions pour imposer des amendes et en tirer quelques sous. D’autres encore fabriquent de faux ordres de mission pour récolter des taxes illégales dans la ville, etc. C’est cela mon pays. Si vous entendez parler de la 4G au Congo, sachez qu’il ne s’agit pas de la fourniture de réseau internet !

 


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Les commentaires récents (2)

  1. Nous avons beaucoup de défis à relever et à se demander quelle est la meilleure ?
    Mais le changement positif commence par nous même. Il ‘sous faut foncer et innover face à nos défis sociaux…